La réaction (virtuelle) à un message extérieur serait instantanée, mais la durée de sa mise
en forme différente d’un individu à l’autre. Ce qui fait que, lors de la mise en forme de la pensée d’un individu donné, celle d’un autre peut être plus rapide et influencer alors la mise en
forme du premier. S’il n’y avait pas ce déroulement, la pensée initiale ne pourrait varier, la décision une fois formulée ne pourrait varier, et nous serions tous des intégristes, incapables de
changer d’avis en prenant connaissance des raisons d’autrui. Il en résulte aussi que le premier qui s’exprime sur un sujet donné entraîne les autres
dans son sillage, qui approuvent ou repoussent mais ne peuvent rester indifférents aux arguments avancés.
Et si la prise en compte d’un message extérieur est instantanée, cela explique aussi les
« pensées vagabondes », que l’on est certain d’avoir perçues mais dans l’instantanéité, avec impossibilité d’en retenir le contenu et donc de pouvoir les formuler. Pensées auxquelles
nous attachons d’autant plus d’importance que nous n’avons pu les retenir, n’étant pas en résonance suffisante avec elles.
C’est sans doute mon expression de « pensées vagabondes » qui, même mise entre guillemets, a dû influencer la suite. J’y reviens donc.
« Pour s’exprimer, la formulation doit faire appel à autre chose que le pré-sentiment ». C’est, me semble-t-il, prendre le point de vue de l’individu émetteur, comme origine, géniteur
de la pensée qui va ou non ensuite se formuler. J’entendais par « pensées vagabondes » ces pensées qui flottent dans l’air (sans y voir un aspect spatial ou temporel) qui sont captées
par l’individu récepteur, un certain individu qui se trouve alors (on revient dans l’espace-temps) en état de résonance donc récepteur.
Récepteur
sans pouvoir « accrocher » ou suffisamment « accrocheur » pour faire suite à cette réception par une formulation toute intérieure dans un premier temps. Se la formuler à
lui-même en quelque sorte. En utilisant son propre langage. Et d’autres individus peuvent capter la même « pensée vagabonde » et l’exprimer dans leur langage propre. N’importe où et
n’importe quand, comme une transmission de pensée classique, mais qui, elle, se fait généralement en même temps et dans le même lieu, comme si elle se transmettait matériellement d’un organisme à
l’autre.
Ces
« pensées vagabondes » (le terme est peut-être mal choisi) n’appartiennent à personne, à aucun être vivant, c’est le fait d’être en position de les formuler le premier qui suggère une
paternité. Ce qui appartient en propre, c’est la formulation et les développements qui lui sont donnés. Einstein et quelques autres n’ont pas créé la relativité du temps, ils avaient les
dispositions pour en assurer le développement. De la formuler en eux-mêmes (l’essentiel) et de la transmettre à d’autres (accessoirement).
On peut à la
fois s’intéresser à la formation de la pensée et à la durée de cette formation, sans pour autant ne pas considérer que « l’important est dans son rapport à la pensée, dans le degré
d’adhésion, d’identification à la pensée. Dans le degré d’investissement de la pensée ».
« La
chose capitale, selon moi, c’est la liberté, la non - dépendance ».Ce que personnellement j’ai du mal à intégrer, c’est comment on passe de l’accord avec une certaine pensée, qui répond à
nos aspirations, qui entre dans le cadre de ce que nous admettons, voire défendons, à la soumission à celui qui l’exprime et qui n’est qu’un semblable, un être humain comme vous et
moi.
Qu’on
l’apprécie, oui, mais qu’on en devienne dépendant, que parce que c’est lui qui le dit ou l’écrit, qu’on en vienne à considérer que tout ce qu’il dit ou écrit ne peut qu’être le mieux, alors là je
ne suis plus. La pensée avant d’être formulée n’appartient à personne, une fois mise en forme à celui qui la ainsi formée, et une fois publiée, non plus à son auteur, mais en co-propriété à ceux
à qui il l’a transmise, comme un passage de relais.
S’il peut en
rester le propriétaire exclusif, qu’il évite de la publier. Encore que, personnellement, je crois qu’une pensée une fois formulée ne peut plus rester secrète. N’entre-t-elle pas à son tour dans
les « pensées vagabondes » qu’un jour ou l’autre, d’autres capteront, peut-être en croyant alors qu’ils sont géniteurs ?