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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 08:02

            On vient de voir déjà qu’on peut préférer la vue à l’ouie, ou inversement, le sens de la beauté serait-il inné ? Mais qu’est-ce donc que la beauté ? Il est à supposer que les chercheurs anglais ont montré aux nourrissons des photos de femmes qu’ils ont eux-mêmes classées suivant des critères de beauté classiques pour eux aujourd’hui et que l’on peut supposer être approximativement les  mêmes pour notre mentalité occidentale. Mais les canons évoluent, non seulement au cours du temps, mais suivant les régions du monde. La beauté classique, celle par exemple des sculpteurs grecs, est très différente de celle de l’art moderne. On peut supposer que l’on a présenté aux nourrissons des photos de femmes que l’on peut voir dans la rue, s’intéressaient-ils plutôt à celles qui ressemblaient à leur propre mère ?

           

           Si le sens de la beauté était inné, cela signifierait qu’avant même de naître nous aurions certains critères de beauté inscrits dans nos gènes, mais qui pourraient être différents d’un individu à l’autre. Et la beauté n’est pas seulement visuelle, elle peut être auditive (les amateurs de musique notamment) mais aussi répondre aux autres sens. Mais alors qu’est-ce que la beauté ? 

 

           Plutôt que de beauté au vu de nos critères actuels qui varient énormément dans le temps et dans l’espace, certains trouvent immensément belles des choses que d’autres trouvent vraiment affreuses mais on parle alors plutôt de goût et des goûts et des couleurs on ne discute pas, ne faudrait-il pas mieux parler de beauté au sens premier: « ensemble harmonieux de formes et de proportions, qui éveille un sentiment de plaisir et d’admiration par l’intermédiaire de sensations visuelles ou auditives ». L’harmonie, elle, est de tous les temps et de tous les lieux. Il est des spectacles de la nature qu’on ne peut que trouver beaux, et les mots manquent alors pour qualifier cette beauté-là. Les nourrissons, sans disposer de mots, peuvent l’exprimer  par l’attention du regard. Mais le regard des nourrissons ne porte pas bien loin et l’on comprend que le test se soit fait sur des visages de femmes. Pour donc éviter de se méprendre, disons plutôt que ce sens-là serait celui de l’harmonie. 

 

             Prenons l’exemple des tags qui parent ou déparent nos murs, et se renouvellent au fur et à mesure qu’ils sont effacés. « Ces petites inscriptions qui fleurissent chaque nuit sur les façades du centre-ville de Lille, suscitant le ras-le-bol des propriétaires et notamment des commerçants régulièrement visités ». Ne revenons pas sur la déconvenue et les protestations légitimes des victimes, si les tags n’étaient faits qu’en des lieux autorisés et ne lésant personne, notre avis pourrait être différent. Peut-être distinguerait-on alors ce qui n’est que gribouillis, n’exprimant que le mépris de la propriété d’autrui, soit sur des façades d’immeubles abandonnés, ce qui leur donne un aspect sinistre encore plus éloigné des critères de beauté quels qu’ils soient, soit, le plus souvent, en des endroits où règne une certaine harmonie que le taggeur veut alors sciemment détruire. Mais il est des tags, que l’auteur dessine alors en des endroits où ils ne risquent pas d’être effacés le lendemain, et qui retiennent l’attention car il s’y dégage une indéniable harmonie, comme ces dessins à la craie sur les trottoirs qui interpellaient les passants, la craie se perd, la bombe de peinture résiste bien mieux aux variations climatiques. 

 

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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 10:05

           Lorsqu’elles passent de vie à trépas, on encense trop les vedettes dans les jours qui suivent, avec de si touchantes attentions qu’on les croiraient d’autorité dans le saint des saints, au paradis des  artistes, sans même un petit séjour au purgatoire, juste pour purger quelques petits manquements à la morale. L’examen doit se faire rapidement, car demain ou la semaine prochaine il faudra être disponible pour un autre panégyrique dans le cas  où… Mais on se rattrape ensuite, un proche, un ami très cher, une relation de trente ans, il en est toujours un, ou plusieurs, à se soulager la conscience d’un secret trop lourd à porter. Et comme le confessionnal n’attire plus les foules, rien de tel que les médias pour s’y confier, une  confession publique comme dans les premiers temps, qui permet au pénitent d’être lavé de toutes ses fautes, le défunt, lui, n’étant plus là pour se défendre. Jadis la confession était gratuite, ici elle rapporte au volume et à la crudité des confidences, alors autant en rajouter, vider son sac et le secouer pour être sûr de ne rien oublier, faute de quoi d’ailleurs on peut toujours y revenir. Et, parmi le public, il en est beaucoup qui aiment cela, être transformés en voyeurs de trous de serrure, craignant sans doute, malgré l’envie qui les chatouille, de se faire pincés en regardant par celui de leurs proches ou de leurs voisins, encore que l’un n’empêche pas l’autre. C’est pour cette raison sans doute qu’on appelle serrures de sécurité celles où on peut pas regarder au travers.  .

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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 10:28

            Notre civilisation et ses progrès techniques ont l’art de ne pas regarder les choses en face, c’est peut-être le faire que de qualifier de vieux, de sourd ou d’aveugle celui qui est plus âgé que vous, qui n’entend pas ce que vous lui dîtes ou qui ne vous voit pas les choses comme vous les voyez. C’est d’ailleurs de telles apostrophes que l’on lance parfois à celles et ceux qui ne suivent pas les méandres de votre conversation ou le fil de votre pensée, comme l’instituteur balançait jadis à l’élève selon lui peu doué, au moins dans la matière qu’il enseignait: « Vous êtes un âne ! » Etait-ce alors regarder les choses en face, n’était-ce pas plutôt voir le monde tel qu’on croyait qu’il était au travers de verres déformants ?

 

            Car un sourd n’est pas un malentendant. Le sourd, c’est l’autre, celui que vous ne voyez pas réagir à ce que vous lui dîtes, c’est pour cela que l’on peut être bien entendant mais sourd, sourd à certains bruits par exemple lorsqu’on est absorbé, indisponible à leur écoute. Nous sommes donc tous, espérons-le, des sourds de circonstance. Le mal entendant, c’est autre chose, c’est soi-même si l’on entendre les sons que l’on voudrait parce que la fonction auditive ne fonctionne pas de manière à nous satisfaire. On dit d’un autre qu’il est sourd, on le ressent soi-même si on est mal entendant. 

 

            Car un aveugle n’est pas un non-voyant. L’aveugle, c’est l’autre, celui que vous voyez ne pas réagir à ce, selon vous, qu’il devrait pourtant voir, c’est pour cela que l’on peut-être voyant mais aveugle, aveugle à ce qui pourtant devrait être vu, sauf à être absorbé par autre chose. Nous sommes donc tous, espérons-le, des aveugles de circonstance. Le non-voyant, c’est autre chose, c’est soi-même si l’on voudrait voir des choses mais que l’on ne peut voir car la fonction vision ne fonctionne pas. On dit d’un autre qu’il est aveugle, on le ressent soi-même si on est non-voyant.

 

            Non ce ne sont pas des faux-semblants que de qualifier les aveugles ou les sourds de non-voyants ou de malentendants, c’est simplement employer pour d’autres des mots que l’on ne devrait appliquer  qu’à soi-même. Et c’est parce, dans un échange, on cherche à se faire comprendre et, partant de là, à se mettre au niveau de l’autre qu’on utilise des mots qui ne devraient appartenir qu’à celui que nous avons en face de nous. Mais entre voyants ou bien entendants, aveugles ou sourds sont les mots corrects.    

 

            Il paraît que l’on ne dit plus vieux, c’est péjoratif ! Vieux, avancé en âge, qui mène depuis longtemps la même vie, qui garde les mêmes habitudes (dépouiller le vieil homme, n’est-il pas se défaire de ses mauvaises habitudes ?), rien de péjoratif là-dedans, mais aussi qui est démodé, suranné, qui est hors d’usage, c’est nettement moins flatteur. Etre vieux avant l’âge, avoir, avant l’âge ordinaire (sic) les apparences, les symptômes de la vieillesse. Se faire vieux, c’est commencer à s’ennuyer, à se faire de la bile. Intéressant ces définitions de dictionnaire, on peut être vieux mais on peut aussi se faire vieux.

 

            Le vieux, c’est l’autre. Entre bambins, le vieux c’est celui qui va à la grande école,  (l’élémentaire), entre adolescents, c’est celui qui est majeur et qui vient tout juste de passer le permis, pour les recrues, c’était le capitaine, pour les enfants ce sont leurs parents et on entend des nonagénaires qui parlent de la vieille qui va avoir cent ans. Parler des vieux permet aux moins âgés de s’auréoler de leur jeunesse, ce qui prouve que la notion de vieillesse est toute relative. On a chacun ses propres vieux.   

 

            Les aînés, le troisième âge, les préretraités et retraités, l’âge d’or, le bel âge... des mots qui sonnent vrais pour certaine et vrais pour d’autres, mais ce ne sont pas à ceux qui s’en excluent, qui ne font qu’observer les autres de décider de ces qualificatifs en se fiant à des apparences souvent trompeuses. C’est aux intéressés eux-mêmes à se définir.

 

            C’est désormais dans la dépendance qu’on devient vieux, il y a là, peut-être, une définition judicieuse de la vieillesse : la dépendance, qui permet aux autres, à tous les autres selon l’apparence, de vous qualifier ainsi, puisque c’est vous ne pouvez plus subvenir seul à vos propres besoins, que vous en ayez ou non conscience, apparemment toujours car personne d’autre que vous ne peut se mettre à votre place, dans votre esprit. Alors, oui, dans cet état, il est possible (possible certes, mais jamais absolument certain) que l’accord se fasse entre ce que les autres pensent de vous et ce que vous êtes devenu.

 

            Mais de grâce, même si vous n’êtes pas encore dans son cas, ne balancez pas à un préretraité de 50 ans, comme à un retraité de 75 d’ailleurs, qu’il est vieux, c’est à lui d’en décider  ! Mais n’hésitez pas  entre copains plus jeunes d’âge à employez ce mot, comme on l’emploie à votre égard en d’autres milieux, n’en doutez jamais.   

 

               C’est à lui d’en décider… Se faire vieux, c’est commencer à s’ennuyer, à se faire de la bile. Et il en est qui commencent très jeunes. Etre vieux avant l’âge, c’est avoir, avant l’âge ordinaire, les apparences, les symptômes de la vieillesse. Et il en est qui commencent très jeunes. Des vieux de naissance, comme l’on dit. Si ce n‘est qu’en apparence, ce n’est pas bien grave, mais il y a ceux, sans doute d’autant plus nombreux que les temps sont difficiles, qui se font vieux, se sentent vieux au plus profond d’eux-mêmes, à la merci du monde qui les entoure.

 

            A sa merci certes, mais aussi à sa charge, se satisfaisant d’un état qui leur enlève toute responsabilité d’exécution de quoi que ce soit, sans pour autant leur enlever un esprit critique systématique à se plaindre de tout et de rien. On en revient alors à la notion de dépendance, ceux-là, ce sont des vieux qui se sentent vieux, on  peut dire alors que ce sont vraiment des vieux.

 

           Mais qualifier de vieux des quinquagénaires parce qu’ils ont perdu leur emploi, des sexagénaires qui ont atteint l’âge de la retraite, des septuagénaires bien alertes, des octogénaires toujours actifs, même s’ils n’exercent plus de fonctions officielles, et ainsi de suite…c’est faire des abus de langages, prendre les lanternes pour des vessies. Réservons le terme générique de vieux à ceux qui sont plus âgés que nous lorsque nous sommes entre plus jeunes éventuellement pour nous conforter si nécessaire, à ceux aussi qui veulent l’être, ne les contrarions pas, ils ne nous le pardonneraient pas, mais, de grâce, n’en faisons pas l’injure à ceux qui ne la méritent pas, quelle que soit leur date de naissance !    Vieux moi ? Jamais.      

 

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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 18:48

            « Ce n’est pas à l’ordre du jour », ce n’est pas le moment, le temps d’en parler, ou ce n’est pas l’endroit, l’espace. Il faut à la fois que ce soit le moment et l’endroit qui conviennent pour traiter d’un sujet, même s’il suffit de répondre par oui ou par non. Car on ne peut répondre aussi brièvement oui ou non que dans le cas où il n’y a que deux réponses possibles qui ne demandent pas d’autres explications. Or, c’est assez rare. Ou plus précisément une telle réponse ne résout pas le problème posé et demande beaucoup de réponses de ce type avant de pouvoir trancher. 

 

            Oui, non, cochez la case qui vous convient. C’est ainsi que sont conçus aujourd’hui beaucoup de questionnaires, la plupart faciles à remplir pour celui qui y est soumis, rapides pour l’interrogé donc aussi pour le sondeur à qui l’on impose une certaine quantité de réponses, et celles-ci en effet doivent être nombreuses, très nombreuses pour qu’après dépouillement les instigateurs du sondage puissent en tirer des conclusions intéressantes. Rien à voir avec les micro-trottoirs où on laisse parler les interviewés exprimant chacun une opinion qui lui est propre, et à laquelle on se rallie ou non..  

 

            On retrouve cela lors des élections. Quand vous avez un certain nombre de listes en présence, chaque électeur peut faire un choix circonstancié, peut-être influencé par une prestation télévisée l’avant-veille ou une action d’un candidat  il y a un an ou deux, ou la tête qu’il avait dans le journal. Evidemment quand il y a trop de listes, l’indécis est perdu. Lors d’un référendum, on répond par oui ou par non, mais tous les « oui » comme tous les « non » ne sont pas également motivés. 

 

            Si chaque électeur se présentant devant l’urne avait fait préalablement l’analyse de ce à quoi l’entraînait une réponse oui ou une réponse non, avec ce travail préalable, le résultat du référendum serait véritablement l’expression de la volonté populaire. Mais c’est loin d’être le cas, lors du référendum sur Maastricht, il y a maintenant plus de dix ans, combien d‘électeurs avaient lu (et beaucoup moins encore même partiellement compris) le « mode d’emploi » préalable à une prise de décision, qui avait été distribué à des dizaines de millions d’exemplaires ?

 

            Au lieu de noyer le public des opinions des uns ou des autres, ne pourrait-on pas expliquer davantage, sans la moindre opinion politique préconçue, en quoi consiste, quelles sont les conséquences d’un tel vote ? Hélas !d’autres référendums nous attendent et la campagne qui va les précéder ne devrait pas évoluer dans ce sens. La plupart iront déposer leur bulletin dans l’urne parce qu’un tel, qui parle bien, qui paraît sincère, qui habite le coin, e t c …, a dit lequel il fallait mettre pour être un bon et honnête citoyen.

 

            Alors que, dans une élection normale, avec des listes de candidats, le citoyen donne une délégation (qu’il peut retirer en votant différemment la prochaine fois), dans un référendum il ne délègue à personne le soin de décider, il doit le faire lui-même et en toute connaissance de cause. Il en a sans doute très rarement conscience.   

 

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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 07:59

             La mondialisation n’a rien d’un phénomène naturel, mais simplement humain. Les hommes, depuis qu’on les appelle ainsi, face à une nature souvent hostile, ont cherché d’abord à se protéger, à acquérir une certaine sécurité et, une certaine sécurité relative acquise,  à réfléchir sur leur condition, à penser qu’au-delà de ce qu’ils connaissaient il devait y avoir l’inconnu, à s’en effrayer puis à s’enhardir jusqu’à chercher à le connaître afin de se tranquilliser à nouveau et ainsi de suite jusqu’à occuper toute la terre. Mais en s’égaillant de la sorte, à se retrouver en tribus occupant un certain territoire, et à considérer ses voisins comme des étrangers, parfois des êtres si différents qu’ils ne les prenaient plus pour leurs semblables, mais pour des bêtes ou pour des dieux. Le temps passa, la population augmenta, la terre se peupla et comme elle n’était pas de superficie infinie, il arriva le temps de se la répartir, ce qui ne se fit pas sans heurts, sans massacres, sans guerres, toutes civiles à considérer les hommes comme étant tous  de la même espèce.    

 

              La mondialisation n’a rien d’un phénomène humain qui verrait le tiers ou le quart monde nous tomber dessus à l’improviste, alors que nous nous attendions pas à ce déferlement, nous, les peuples occidentaux civilisés. Loin de là, c’est bien nous, dans ces derniers millénaires, qui sommes aller voir ce qui se passait ailleurs. Sans même remonter aux Romains, deux mille ans ça fait loin, les Portugais, les Espagnols, les Anglais, les Français et beaucoup d’autres ont colonisé la planète à leur profit et se sont félicités de leurs conquêtes, se les sont disputés, ont convenu de se les partager, e t c…, sans bien toujours comprendre d’ailleurs pourquoi d’autres peuples, les Arabes, les Japonais, les Chinois, en faisaient autant, la race blanche, la vraie, la pure, n’était-elle pas la seule à pouvoir s’arroger ce droit ?

 

             Mais le vingtième siècle est arrivé et ave lui ses deux guerres mondiales qui devaient entraîner, un peu plus tôt que prévisible, la mondialisation, le brassage des populations, les progrès de l’hygiène et  de la médecine, la sur-population chez les plus pauvres, la sous-population chez les plus développés, et le déséquilibre entre les deux. Le retour, ou plutôt l’accession  à un certain équilibre suppose des règles, mais sera-ce seulement aux plus favorisés de les établir ? Si, oui, l’équilibre ne pourra qu’être théorique, c’est-à-dire bien instable.

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 10:18

            Discrimination, action de séparer, de distinguer deux ou plusieurs êtres ou choses qui ne peuvent être confondues, voilà bien ce qui s’oppose à l’Egalité – absence complète de distinction entre les hommes sous le rapport des droits - inscrite au fronton des Maisons communes de notre République. 

 

            Discrimination entre riches imposables à volonté et pauvres corvéables à merci. Notons les deux adjectifs, un riche est imposable, un pauvre est corvéable. Imposable, on sait ce que c’est, on en a l’expérience, soumis à l’impôt, « prélèvement autoritaire de ressources permettent à l’Etat (et aux  collectivités locales, régionales, départementales et municipales) de faire face à leurs charges », ce qui donc, comme tout prélèvement, est une saisie d’une fraction et d’une fraction seulement des revenus. Corvéable, à qui on impose la corvée, laquelle, comme l’impôt d’ailleurs, a toute une histoire. Rappelons-en les débuts : « Les paysans, serfs ou tenanciers, devaient assurer gratuitement l’entretien et l’exploitation des domaines seigneuriaux  en échange du droit d’exploitation des tenures. Les corvées, une des formes de l’imposition seigneuriale, assuraient la mise en valeur de la réserve, le transport des produits et l’entretien des outils de travail, des constructions, des fossés, e t c …A l’époque franque, les corvées étaient lourdes, le serf était corvéable à merci ».Entre l’imposable qui s’acquitte sans autre formalité et le corvéable à merci, il existe une discrimination de taille (sans jeu de mot avec la taille, cet impôt qui disparut à la Révolution). L’impôt s’acquitte entre individus égaux en droits, même s’ils sont inégaux en revenus, la corvée s’applique à des inférieurs, les serfs, qui deviennent ainsi des corvéables à merci, n’ayant aucun droit, au profit d’êtres monopolisant les droits, les seigneurs.

 

            Discrimination entre parisiens avisés et provinciaux à la remorque… il faut être parisien pour s’en glorifier et provincial pour s’en moquer. Qu’est-ce donc qu’un parisien, un natif de  Paris, il doit en rester, un banlieusard qui met autant de temps à aller au travail qu’un provincial à traverser la moitié de la France, qui n’a jamais vu la Tour Effel de près et prend Montmartre pour une station de métro, et qui met dans le même sac les provinciaux qu’ils soient de Marseille, de Lyon, de Strasbourg, de Bordeaux ou de Lille ?

 

           Discrimination entre roturiers dénués d’ancêtres présents à la première croisade et aristocrates détenteurs de patronymes à rallonge, ça commence à se perdre, d’autant plus que ce sont les seconds qui viennent au secours des premiers, la roture ayant pris de l’extension et la noblesse du plomb dans l’aile. 

 

            Discrimination entre piétons vertueux et automobilistes coupables de tous les maux, c’est que la défense du faible est porteuse de meilleurs discours que la suprématie du fort, que le même pouvant être à la fois automobiliste et piéton apprécie de pouvoir jouer les deux rôles d’accusé et de censeur. 

 

           Discrimination entre militaires richement habillés par l’Etat et civils pauvrement vêtus à leurs frais, à voir le peu de respect accordé aujourd’hui à l’uniforme, il a dû souffrir d’une mode débridée, les policiers ne s’y sentent plus à l’abri, les chamarrés ne l’utilisent que dans des cercles très fermés et une fois l’an, comme les militaires défilant le 14 juillet, les prêtres ont laissé leur soutane au presbytère, les catherinettes n’ont plus de chapeaux fleuris, il n’y plus guère que quelques demoiselles qui se mettent à porter le voile. 

 

           Discrimination entre vieux de trente-cinq ou quarante ans exclus du travail et jeunes de vingt-cinq ou trente à la recherche d’un premier boulot, il y en a effectivement une qui, pour être relativement récente, pose un vrai problème de société que résolvent à leur manière les intellos surdiplômés demeurés fidèles à leurs universités pour ne pas se lancer dans une vie professionnelle dont ils ne perçoivent pas  une activité pouvant les concerner.

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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 13:33

            Le sixième sens fascine car c'est un supplément d'âme. Tout le monde ne l'a pas. Et une grosse majorité de ceux qui l'ont ne s'en rendent pas toujours compte.

             Les cinq sens classiques, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher nous permettent de prendre connaissance du passé en quelque sorte, de ce qui existe avant que notre cerveau en prenne conscience, alors que le sixième sens permettrait d’ouvrir une fenêtre sur le futur, au cerveau de prendre conscience de quelque chose qui n’est pas encore jamais arrivé.

            Les cinq sens sont du passé parce que, non seulement il faut un certain temps, court certes mais certain, pour qu’ils fassent connaître leurs impressions au cerveau qui les interprète, mais aussi parce que ces impressions mettent un certain temps pour leur parvenir de ce qui constitue leur source : la vitesse de la lumière n’est pas infinie, la vitesse du son relativement faible (pensez à l’orage et au couple éclair / tonnerre), une odeur met un bout de temps  à arriver à votre nez, une saveur à votre langue, et lorsque vous mettez la main sur une plaque chaude, ce n’est pas tout de suite que votre doigt est à une température à vous faire bondir.

              Les cinq sens donc vous relient au passé récent pour vous permettre de vivre votre présent vécu. Pas toujours récent d’ailleurs le passé, puisque par la mémoire vous pouvez retrouver un sens perdu entre temps, comme celui d’un paysage dans le détail sans qu’il se représente à votre vue, d’un bruit étrange que vous réentendez, du fumet d’un plat mangé depuis longtemps qui vous chatouille physiquement les narines et fait vibrer vos papilles, du soyeux d’une étoffe jadis à peine effleurée.

            Il peut paraître étrange que l’on puisse ainsi retrouver des sensations vécues antérieurement, et que tout cela se passe, non seulement dans notre cerveau, ce qui pourrait s’expliquer par un simple stockage somme toute banal, mais que nos sens eux-mêmes réagissent alors comme ils l’avaient fait alors, au moins notre cerveau en a-t-il l’impression, car rien ne dit que l’intensité de la réaction soit la même, peut-être est-elle émoussée ou avivée, mais ce qui est certain est que nos cinq sens se mettent, sinon au diapason, au moins en correspondance avec nos impressions cérébrales.

               Que, par exemple, un œnologue puisse reconnaître une cuvée peut en émerveiller plus d’un, mais il ne faut pas être un spécialiste de quoi que ce soit pour éprouver ce type de sensation. Qu’en arrivant devant un paysage que vous avez vu longtemps auparavant vous éprouviez les  sensations  que vous aviez alors est relativement compréhensible, mais qu’un paysage, une scène quelconque vous apparaisse avec autant de précision que si elle existait réellement l’est beaucoup moins.

             Et qu’elle disparaisse de même, car s’il y a mystère dans l’apparition, il y en a tout autant dans la disparition. Pourquoi, le plus souvent brutalement, la scène disparaît-elle sans laisser de traces à vos sens alors que votre cerveau est encore sous l’effet du choc produit ? Peut-être par effet de rémanence, mais d’une rémanence qui peut éventuellement, mais ce n’est qu’une imprévisible éventualité, se reproduire. 

            Un sixième sens, c’est-à-dire un sens prémonitoire, qui avertit d’avance…avertir, c’est attirer l’attention sur quelque chose, pas donc pour prévenir d’un ennui, d’une catastrophe que l’on pourrait alors éviter, un homme prévenu en vaut deux, attirer l’attention simplement. Les voix de Jeanne d ‘Arc n’avaient rien de prémonitoire, elles lui ordonnaient d’aller libérer Orléans alors aux mains des Anglais, elles lui décrivaient une certaine situation, le siège d’Orléans, du passé donc se prolongeant dans le présent, elles lui disaient ce qu’elle devait faire dès à présent, dans son présent, mais ne lui disaient pas comment elle devait opérer, c’est-à-dire qu’elles ne lui décrivait pas le futur, proche ou non.

              La prémonition, c’est autre chose, vous ne vous posez pas de question sur une certaine situation (Jeanne d’Arc souffrait de la présence anglaise qui avait brûlé sa maison et saccageait les campagnes, comme toutes des armées d’alors), et, tout à coup, sans que jamais vous ne l’aviez supposé, vous arrive un tableau, une impression, peut-être inspirés par l’un de vos sens, probablement même, mais sans rapport avec votre situation du moment.

            Et cet événement que vous captez n’est pas une réminiscence du passé, du vôtre ou de celui d’un autre, mais un événement qui ne s’est pas produit, et qui se produira dans le futur, un futur proche permet de vérifier cette prémonition par la personne elle-même, mais un futur lointain peut-être vérifié si la prémonition a été racontée sans ambiguïté. Il ne s’agit pas de descriptions plus ou moins floues, pouvant s’adapter à maintes circonstances ou faire l’objet de multiples interprétations, du style « je vous l’avais bien dit que…», pensons à Michel de Nostre-Dame dont chacune des prophéties fait l’objet de nouvelles traductions dès que la précédente se révèle caduque, mais bien d’événements dont la similitude avec le fait ensuite constaté n’est pas mise en, doute. Prémonition donc, comme s’il y avait un décalage dans le temps, pas dans l’espace. Car on ne date pas une prémonition, cela se passe-t-il quasiment maintenant quand c’est ailleurs, dans quelques jours ou bien plus tard ? Ce qui fait qu’on fait mention de prémonitions beaucoup moins souvent qu’on en est le théâtre.

              Exemple, que je ne suis certainement pas le seul à pouvoir citer tant il paraissait naturel d’y penser, ce qui d’ailleurs lui enlève une partie de son caractère prémonitoire : En 1978, le Petit Larousse en 22 volumes, édité par FranceLoisirs publie (page 6494) une photo, légendée New-York, vue de Manhattan, où, à gauche, semblant grimper jusqu’au ciel, figurent les deux tours jumelles du World Trade Center, auprès desquelles les autres gratte-ciel (dont le célèbre Empire State Building) apparaissent  minuscules. Comment alors ne pas avoir la pensée d’un avion s’écrasant dessus et les détruisant, pour d’ailleurs se dire ensuite : «  Certainement que cela a été prévu ». Et cela l’avait été effectivement, pour les monstres de l’époque, les Boeing 707, qui eurent des descendants beaucoup plus puissants. Cette pensée donc n’était pas, à proprement parler, prémonitoire, des pensées comme celle-là nous en avons tous les jours, il s’agit tout au plus de prévisions, d’éventualités. Elles ne reviennent d’ailleurs en mémoire que lorsqu’elles se réalisent, comme ce fut le cas, hélas, le 11 septembre 2001, dans des conditions qui, elles, n’avaient pas été prévues, sauf par les auteurs de l’attentat.      

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 11:01

 

               «  Dans un monde du travail régi par les exigences de rentabilité, les hommes peuvent s’échanger désormais comme de la vulgaire marchandise. » 

 

           C’est qu’en effet le monde actuel du travail est régi par des exigences de rentabilité. Un maître-mot, la rentabilité et non la productivité. Il y a encore quelques décennies, ce qui importait avant tout était la productivité, la production de  biens. « De biens économiques : les biens de consommation, ou biens directs, les biens de production, ou biens indirectes, et les biens momentanés ; selon les relations qu’ont les biens entre eux, ils peuvent être complémentaires (voitures et pneus) ou succédanés (beurre et margarine) ; selon leur matérialité, on distingue les biens matériels et les biens immatériels ou services. »

 

            Alors que l’adverbe bien signifie d’une manière avantageuse et satisfaisante, le substantif biens désignent « tout élément de richesse susceptible  d’appropriation et qui peut être corporel (chose) ou incorporel (droit), immeuble ou meuble ».  Contrairement à la première impression que l’on peut avoir,  ce qui est bien n’est pas bon, quand c’est bien, c’est que cela convient, mais ce n’est pas toujours ce qui est bon, opposé à mauvais, qui convient. Mais qu’entend-on alors par « ce n’est pas bien »? Ce n’est pas avantageux, ce n’est pas satisfaisant. Il y a des biens qui ne sont pas bons : vous avez une voiture, c’est un bien, elle est fréquemment en panne, ce n’est pas une bonne voiture. Une marchandise quelconque que vous possédez peut être bonne ou mauvaise, ou n’être ni l’une ni l’autre si elle vous est indifférente.   

 

            La ressource humaine, une marchandise, ce qui rejoint les exigences de rentabilité du monde du travail. Autant, pour être vendu, un bien matériel ne doit pas être fabriqué au delà d’un certain coût, la main d’œuvre nécessaire à sa production doit être la moins chère possible. Lorsque les productions étaient essentiellement nationales, et subvenaient, ou tentaient de subvenir aux besoins propres du pays, les exportation étant relativement peu importantes et les importation réduites au minimum, de façon à ce que les deux s’équilibrent du mieux possible, tout se passait à l’intérieur de frontières, ce qui réduisait les échanges internationaux. Aujourd’hui, le schéma est tout autre, dans le cadre d’une mondialisation, avec toutefois des lois et des façons de vivre très différentes d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre, on s’est habitué à un échange d’êtres humains, considérés comme de la simple marchandise, un élément parmi d’autres du prix de revient. 

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29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 08:36

            De Françoise Sagan :  « Ce qui manque à notre époque, c’est la gratuité. Faire quelque chose pour rien, c’est grisant. Notre époque est trop matérialiste et trop exhibitionniste, avec ces gens qui racontent leur vie à tous les échos et qui se complaisent dans la réalité. L’imagination est la seule vertu qui nous reste. Et peut-être la première des vertus ».

 

             Un acte gratuit est un acte que rien ne rend obligatoire et qui n’est pas un moyen en vue d’autre chose. Est gratuit ce qui est fait et donné sans qu’il en coûte rien. Dans notre société de consommation, le terme est le plus souvent employé dans ce dernier sens, on en oublie la première définition, c’est gratuit signifiant que l’on vous donne quelque chose ayant une certaine valeur marchande et que vous ne le paierez pas.  Il s’agit par exemple de distribution gratuite d’objets matériels, de gadgets le plus souvent, comme le fait une caravane publicitaire lors du passage du tour de France.

 

            Caravane publicitaire…s’agit-il véritablement de gratuité ? On vous donne quelque chose, vous ne le payez pas, mais derrière ce don se cache une manœuvre commerciale, faire connaître une marque, un produit, pour, par ailleurs, en espérer des profits. Gratuit donc, mais apparemment, au premier degré, généralement pour en espérer beaucoup plus que la valeur marchande des gadgets distribués, un calcul financier derrière tout cela, ce n’est pas fait pour rien, cela n’a rien de grisant.    

 

            Grisant vient de gris, qui est d’une couleur intermédiaire entre le blanc et le noir, on connaît, mais être gris, c’est aussi être à moitié ivre, entre blanc, net, pur, profitant de la vie, en pleine possession de ses moyens, et noir, ne posséder plus du tout ses moyens, être complètement ivre, ivre – mort. Gris, à moitié ivre, mais aussi par extension étourdi et exalté. Est grisant donc, ce qui exalte. Et faire véritablement quelque chose pour rien, c’est exaltant.

 

            Faire quelque chose, n’est généralement pas faire un don, mais plutôt faire don de soi, dans une certaine mesure. Donner par exemple quelque chose un objet dont on n’a plus besoin, qui ne nous plaît plus, qui nous encombre même, n’a rien de grisant, cela peut rendre service à d’autres éventuellement, mais ce n’est pas ce que veut dire Sagan. Faire quelque chose pour rien, pour elle, c’est faire des actes gratuits, que rien ne rend obligatoire et que l’on ne fait pas en vue d’obtenir autre chose que le plaisir de le faire.    

 

            …Que le plaisir de le faire, car s’il n’y a pas plaisir à le faire, c’est qu’il y a contrainte, qu’il y a une certaine obligation. Que d’actes apparemment gratuits se font ainsi, parce que l’on ne peut pas faire autrement, que penserait-on de nous si on ne le faisait pas? Ce peut-être le qu’en dira t-on, qui fait faire tant de choses qu’on ne ferait pas si on ne le craignait pas, comme ce jeune qui laissait sa place dans le bus à une petite vieille alors qu’il serait bien rester assis confortablement, si tant est qu’un bus bondé puisse être confortable. C’était avant, bien sûr, parce qu’aujourd’hui le jeune non seulement reste assis s’il l’est,  mais même se précipite si une place libre se présente, et la prend parce que plus rapide que la petite vieille. Souvent, mais pas toujours car il en reste qui sont polis et ne le font pas, sans y trouver toutefois de la griserie. 

 

            Notre époque est trop matérialiste et trop exhibitionniste avec ces gens qui racontent leur vie à tous les échos et quoi se complaisent dans la réalité. Sagan a peut-être écrit cette phrase il y a un demi-siècle, n’était-elle pas célèbre il y a déjà cinquante ans, avec Bonjour Tristesse, mais c’est depuis sans doute cinquante ans, depuis que se sont effacés les dures réalités de la seconde guerre mondiale, que l’évolution nous apparaît sensible vers un matérialisme à tout va, et un exhibitionnisme que les époques précédentes n’avaient jamais connu. Les deux auraient pu ne pas aller de pair, mais revenons sur l’évolution du sens donné à ces deux termes.   

 

            « Le matérialisme s’oppose au spiritualisme, pour lequel l’esprit constitue la substance de toute réalité. Matérialisme et spiritualisme sont des doctrines sur la nature de l’être ; leur opposition ne doit pas se confondre avec celle du réalisme et de l’idéalisme, qui sont des doctrines sur l’origine de la connaissance. D’une façon générale, le matérialisme rejette l’existence de l’âme, de l’Au-delà et de Dieu. Il considère la pensée comme une « donnée seconde », un produit de mécanismes matériels (Démocrite), soit simplement comme une illusion, un épiphénomène.»

 

            Cette définition du matérialisme est quelque peu démodée, ou tout au moins le pense-t-on différemment aujourd’hui. Il s’agirait plutôt de cette folie de tout réduire au matériel, au confort, à un sentiment de confort obligatoirement tributaire de la possession d’objets, ce qui est conforme aux objectifs de la publicité à tout va, mais très peu producteur de satisfaction profonde, puisque la possession d’un objet s’accompagne infailliblement de la non-possession d’un autre et ainsi de suite. Il en résulte un sentiment immédiat de plaisir, pour certains peut-être de bonheur, qui ne dure pas puisqu’il est très vite combattu par l’absence du prochain objet convoité à son tour.

 

            Un épiphénomène est « ce qui se surajoute à un phénomène sans exercer sur lui aucune influence. La théorie de la conscience comme épiphénomène dénonce comme une illusion le sentiment que tout individu a d’être libre dans l’expérience de la décision volontaire. Il s’agirait en fait, selon cette théorie, d’un déterminisme inconscient ». L’achat d’un objet ne serait pas décidé librement, ce ne serait qu’un déterminisme inconscient, c’est ce que croient volontiers les publicitaires dans leur ensemble, puisqu’ils pensent que si leur publicité est bien faite, elle fera vendre, et elle ferait même, à la limite, vendre n’importe quoi, un réfrigérateur à un esquimau, puisque le consommateur est soumis à un déterminisme inconscient, il est victime en quelque sorte, tout en croyant parfaitement libre, d’un esclavage moderne, celui de la publicité.

 

             Ce raisonnement en satisfait plus d’un, puisque le consommateur qui n’aurait pas acheté sans la publicité adéquate, une fois qu’il a acheté, voulant affirmer sa liberté, se convainc tout naturellement qu’il ne pouvait choisir que ce produit, qui ne peut-être que le meilleur, alors que s’il n’avait pas acheté ce produit, il le considèrerait tout à fait différemment. Les qualités du produit apparaissent pleinement après l’achat et celui qui a été ainsi manoeuvré à son insu devient alors un propagateur publicitaire. Ce n’est pas toujours le cas, car il est quand même nécessaire que le produit donne satisfaction, sinon l’acheteur se met à le critiquer au-delà du raisonnable, en  arguant qu’il s’est fait rouler par un vendeur sans scrupules. Et le publicitaire alors récupère l’argument en prétendant qu’un produit dont on fait la publicité ne peut que donner satisfaction. On se retrouve dans  le déterminisme inconscient : le produit apparaîtra bon parce qu’on en fait de la publicité. « Vu à la télé » devient curieusement un gage de qualité.  

 

            Epoque trop matérialiste, mais aussi exhibitionniste, selon Sagan. L’exhibitionnisme était, comme le mentionne le dictionnaire, le goût de se montrer nu, une impulsion morbide de se dévêtir », et aussi, au figuré, « l’action de faire étalage avec impudeur de ses sentiments ». Pour ce qui est de la première définition, l’époque est en effet très libre, et l’on peut revenir sur l’épiphénomène, l’impression de liberté alors qu’on ne fait qu’être déterminé, plus ou moins inconsciemment, par l’environnement. Il est bien évident que cet environnement joue un certain rôle, preuve en est que, qui que nous soyons, nous ne nous conduirons pas de la même manière selon les circonstances, que la tenue de ville n’est plus ce qu’elle était à une autre époque, que celle de détente ou de vacances a autant, même beaucoup plus  évolué, que si la mode n’a plus son caractère rigoureux qui faisait que la suivre c’était bien et que ne pas la suivre c’était mal, comme si il y avait une morale à suivre une mode, quel déterminisme alors, peu de choses sont encore vraiment choquantes de nos jours. La pudeur d’antan, cette « sorte de discrétion, de retenue qui empêche de dire, d’entendre ou de faire certaines choses qui peuvent blesser la décence, la modestie, la délicatesse » en a pris un sacré coup.

 

            Mais c’est dans l’action de faire étalage avec impudeur de ses sentiments que Françoise Sagan trouve notre époque trop exhibitionniste. Il semble, avec quelque recul, qu’aujourd’hui on soit abreuvé de « ces gens qui racontent leur vie à tous les échos », non tellement de ces ouvrages autobiographiques qui, s’abritant derrière le qualificatif de romans – « oeuvres d’imagination constitué par des récits en prose d’une certaine longueur, dont l’intérêt est dans la narration d’aventures, l’étude de moeurs ou de caractères, l’analyse  de sentiments ou de passions  » - ce qui permet à leurs auteurs de jouer sur les deux tableaux, parler d’eux-mêmes de ce qu’ils sont mais aussi de ce qu’ils voudraient être, on choisit en toute liberté de les lire ou non, mais abreuvé de ces conversations à haute voix, surtout depuis l’apparition et le développement du téléphone portable, de ces conversations où l’on ne sait pas trop si elles s’adressent au correspondant lointain inconnu ou à l’entourage immédiat qui ne peut perdre aucun mot de l’entretien sur les sujets les plus divers, parfois les plus personnels, souvent les plus banaux. 

 

            Quant aux interviews de vedettes d’un jour que diffusent généreusement les médias, les micro-trottoirs d’anonymes qui exposent leurs déboires en public, avec l’espoir d’avoir ce public le plus étendu possible, pour dévoiler des choses qu’ils réservaient jadis à leurs proches, leur médecin ou leur confesseur, en rougissant et à mots couverts, sous prétexte que ce qui est dit à d’autres inconnus ne prêtent pas à l’impudeur, nous en sommes submergés.

 

            Et Sagan ajoute « ces gens…qui se complaisent dans la réalité », les mêmes donc qui racontent leur vie à tous les échos. Qu’appelle-t-elle réalité ? Se dit réel, ce qui est, existe véritablement, effectivement, mais chacun a, ou devrait avoir du monde qui l’entoure une vision personnelle, d’un fait chacun en retire quelque chose qui diffère de celle de son voisin, alors que la réalité dont il est question ici, est une espèce d’unanimité de tous ces gens sur ce qui apparaît. Apparaît un certain fait et il entraîne un  certain pessimisme, un certain refus ou, le même fait à un autre moment optimisme et acceptation, il s’agit pourtant du même fait, ou deux faits apparemment semblables.

 

            Comme pour les moutons de Panurge, ou ce qui s’est passé récemment dans les Alpes avec le loup et les centaines de brebis qui se précipitaient dans le ravin, il y en est un qui lance le débat dans une direction donnée, et…il n’y a pas débat et tout le monde suit sans réfléchir davantage, car la réflexion alimente le débat. Ce n’est pas la réalité qui est en cause, car qu’est-ce que la réalité, mais une certaine représentation. Ce qu’a voulu dire Sagan est donc probablement que la plupart des gens ne voient pas plus loin « que le bout de leur nez », et s’alignent sur le point de vue qu’ils entendent, sans chercher plus loin une autre réalité.   

 

            L’imagination est la seule vertu qui nous reste. Qui nous reste pour sortir de la monotonie ambiante qui nous fait trouver bon ce qui nous est présenté comme tel et mauvais, le plus souvent mauvais ce qu’on nous présente ainsi. Et comme on ne sait dire grand chose de ce qui va bien, on passe son temps à parler de ce qui va mal. Il suffit d’écouter le Journal télévisé pour s’en convaincre.

 

            En cela, le journal traditionnel, celui sur papier est préférable. Les gros titres sont souvent les mêmes, mais ce n’est pas parce qu’ils sont gros qu’il faut les lire en premier, et on trouve toujours dans les nombreuses pages quelques articles intéressants. On parvient même, avec une certaine habitude, à les dénicher sans même avoir eu l’attention attirée par les autres, ceux qui entretiennent un climat de catastrophes permanentes, de pessimisme et de morosité. On reconstitue ainsi, l’imagination aidant, une réalité aussi « réelle » que l’autre, celle des éternels annonciateurs de malheurs et de désillusions. Einstein avait écrit: « L’imagination est plus importante que le savoir », mais est-ce savoir que de ne retenir que ce qui va mal, parce qu’on vous le jette en  pâture,  en oubliant le reste parce qu’on ne vous parle guère ?

 

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 10:06

 

            Il n’y a pas si longtemps, on se demandait si les océans n’avaient pas constitué un obstacle infranchissable pour les populations primitives et de nombreuses expéditions eurent lieu, avec plus ou moins de réussite, pour tenter de démontrer qu’il était possible, dans des circonstances  exceptionnelles, que des êtres humains inventifs et aventureux, des hommes donc fatalement dans la mentalité de l’époque, avaient pu franchir des distances conséquentes et amerrir sur des îles lointaines, voire sur un autre continent que le leur. Lorsque l’expédition aboutissait, on s’en félicitait, on prenait, à juste titre, ces navigateurs, généralement solitaires, pour des héros de légende, on s’émerveillait sur les progrès de l’intelligence humaine qui, les millénaires et les siècles passant, permettait aujourd’hui de renouveler de tels exploits, mais on continuait à douter que cela fut possible pour de lointains ancêtres. 

 

            Et voici que le macaque crabier, ce macaque refoulé de la forêt par d’autres singes et acculé au rivage, n’avait pas autant renoncé à se nourrir convenablement, avait trouvé à son goût la chair des crabes, qu’il libérait de leur sable et de leur sel en les nettoyant dans l’eau douce, et alors toujours limpide, d’une rivière, pour cela utilisait des embarcations naturelles, troncs d’arbres et autres objets flottants, ce qui pouvait aussi le faire dériver au gré des courants et des vents vers la haute mer et retrouver ainsi d’autres rivages, d’autres crabes, d’autres rivières. L’homme ne serait donc pas le premier colonisateur de la planète, on avait les oiseaux et les insectes qui volaient, les poissons qui nageaient, mais les singes étaient, depuis Darwin, trop proches de nous pour qu’on puisse admettre qu’ils furent, bien avant nous, des aventuriers et des navigateurs émérites. Mais qu’a donc pu inventer de spécifique l’homme à ses débuts ?

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