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1 avril 2009 3 01 /04 /avril /2009 16:38

            Les photos en noir et blanc d’antan, que l’on tirait avec parcimonie - car même si on allait plus chez le photographe pour y poser, on s’y rendait pour les développer- en veillant à ce que chacune d’elles ait une signification particulière, digne de figurer dans un album de famille, se transmettant de génération en génération, ces photos-là avaient déjà perdu un peu de leur attrait lorsqu’elles se généralisèrent en couleurs.

            Non tant que les couleurs souffraient de l’outrage du temps, mais parce qu’on ne pouvait plus choisir celles qui convenaient à notre imagination, sous le fallacieux prétexte qu’elles devaient décrire et cerner la réalité de plus près, approcher la vérité des faits, comme si les photos devaient répondre à des notions de morale ! 

            Mais passons, les photos avaient un charme tant pour le tireur, celui tout au moins qui saisissait un paysage comme le fait un peintre sur sa toile, que pour ceux à qui elles étaient destinées qui pouvaient, à partir d’un simple image, reconstruire à leur manière l’avant et l’après, la continuité d’un événement comme s’ils y  étaient. Quand on a en mémoire ce qu’un Robert Doisneau pouvait nous enchanter avec un seul cliché, on mesure ce qu’une simple photo pouvait nous apporter de satisfactions et préférer la qualité à la quantité. 

 

            Nous sommes dans une société de consommation qui ne peut survivre à elle-même qu’en consommant chaque jour davantage. On se moquait, gentiment, des Japonais qui ne se séparaient jamais de leurs appareils, on les a certainement rattrapé  et nous sommes de plus en nombreux à « mitrailler » tout ce qui se présente avec les photos numériques tant il facile aujourd’hui de tirer n’importe quoi quitte ensuite à supprimer celles qui ne conviennent pas, sachant que les rater devient impossible au point de se  demander si l’appareil ne tirera pas bientôt tout seul les photos suivant le regard que nous porterons sur un objet déterminé.

 

            Et on qualifiera cela d’un extraordinaire progrès technique : la suppression .totale de l’intervention humaine dans un monde complètement déshumanisé. D’autant plus que la photo elle-même disparaît au profit de la vidéo, grâce à laquelle on ne peut plus imaginer une continuité à notre convenance à partir d’un cliché unique,  mais de subir celle de l’appareil. Par chance, ces vidéos-là ne durent guère, ce qui permet quand même d’en tirer, en temps réel comme l’on dit aujourd’hui, la substantifique moelle.

 

            Certes, tout n’est pas à rejeter dans une profusion d’images successives et les vingt-quatre   images par seconde du cinéma, pour les bons films tout au moins, nous en apportent une preuve éclatante. Des fictions que chacun prend comme il le veut, sinon pendant la projection  pendant laquelle il peut se croire immergé dans l’action au point d’oublier ce qu’il est, un spectateur. Un univers de fiction occasionnel qui, sauf exceptions mais il y en a, ne l’empêchera pas de se retrouver dans la réalité de son personnage à la sortie. C’était un film…Tandis qu’à la télévision, pour peu qu’elle devienne votre univers, au lieu d’être vous-même, vous n’êtes plus alors que sa victime, hélas consentante, tant votre libre arbitre s’est évanoui, croulant  sous la masse des informations jetées en pâture.


            Abrutir : dégrader l’esprit, la raison de [ceux qui la regardent], rendre stupide…serait-il  un  objectif social ? Du pain et des jeux, disait-on déjà du temps des Romains, avec le souci affiché de les distraire, de leur apporter le plaisir, mais aussi  de les occuper à autre chose que la critique du pouvoir en place, de l’organisation de la société… et les jeux étaient loin, très loin, d’avoir cette permanence des programmes télévisuels. A quoi donc peuvent  être utiles des centaines de chaînes si, à zapper de l’une à l’autre, c’est plus rapide que de consulter les revues  spécialisées,  on ne trouve rien à sa convenance, pour peu que l’on veuille échapper à ces programmes abrutissants ?

 

            Objectif social peut-être que de tenter de canaliser la masse du peuple vers le poste de télé. Pendant qu’elle s’y trouve scotchée, elle ne pense pas à autre chose, elle ne pense même plus du tout, et c’est bon pour ceux qui, précisément, utilisent cette apathie pour mener leurs affaires à leur terme, ou tout simplement pour faire perdurer une situation confortable.  Nous avons la chance de vivre en démocratie, chacun est censé pouvoir s’exprimer librement. Empêcher la réflexion individuelle, accaparer l’attention sur n’importe quoi, des jeux, des faits divers, des épreuves sportives, des variétés qui contrairement à ce que leur nom pourrait laisser supposer ne varient guère, tout est bon pour que, socialement, les téléspectateurs se laissent manœuvrer docilement par ailleurs, un ailleurs auquel il leur manque le temps d’y réfléchir sereinement. Comme si, hors télé, il n’y avait pas de vie...    

 

 

            En argentique, on pouvait s’échanger entre amateurs des photos « naturelles », sans retouches,  copies fidèles de la prise de vue originale, plus ou moins réussies, certes, mais réelles. Le numérique apporte beaucoup, énormément,  mais ce sensationnel progrès ne traîne-t-il pas aussi derrière lui quelque inconvénient ? A pouvoir « torturer » un cliché avec tant de facilités, la tentation peut être forte de reconstruire l’image comme il convient qu’elle soit pour l’envoyeur…le destinataire ne recevant que « quelque chose »  bien différente de la prise de vue. Il peut s’en satisfaire, ne pas être dupe, c’est souvent le cas, applaudir au « talent » de son correspondant et en faire autant, mais où se trouve alors la réalité – déjà si ardue à définir – dans ce monde virtuel ?

           Une image, une seule autorise la réflexion, y incite même si, accrochant par un détail ou un écart par rapport à ce qu’on en attendait, elle ne paraît pas naturelle. Il n’en va pas de même avec une succession ininterrompue d’images, trafiquées certes, mais cohérentes entre elles. Le cinéma s’est ainsi développé, et l’on s’émerveille devant les trucages dont il s’est nourri, mais une fois la projection terminée, la magie disparaît, pas toujours il est vrai. Mais c’est de la fiction et, comme la science du même nom, on peut tout se permettre.  Il en va tout autrement quand il s’agit d’informations, les vraies ou celles qui devraient l’être, la perception du monde qui nous entoure.

             Les journalistes n’ont pas attendu la télé pour informer leurs lecteurs de ce qui se passait un peu partout, souvenons-nous de l’époque des grands reporters, y allant de leurs commentaires qu’on ne retrouvait pas toujours concordants d’un journal à l’autre suivant le tempérament de l’auteur et le couleur politique ou religieuse du journal, mais on savait  - ou on aurait dû savoir – à quoi s’en tenir, et rien n’a changé depuis. Mais du commentaire, que l’on peut lire et relire, approuver ou critiquer,  au flot d’images télévisuelles, que l’on ne peut que regarder plus ou moins passivement, d’autant plus docilement qu’avec l’importance de la diffusion, et toutes les chaînes diffusant la même chose, on ne peut trouver  de contradicteurs à ce niveau, ce qui nous permettrait une opinion personnelle.

 

            Et si, entre copains, on n’hésite pas à trafiquer les photos pour le plaisir, qu’est-ce que cela doit être pour le journaliste qui, de quelques brides saisies par-ci par là, sans rapport parfois avec l’information  qu’il se doit de présenter pour justifier son emploi,  reconstitue un ensemble cohérent, vraisemblable, mais pas vrai pour autant. Chacun devrait conserver son esprit critique, ce qui n’est pas d’ailleurs une critique systématique, et pour pouvoir l’exercer, se priver de télé le plus possible. A quoi cela sert-il d’entendre et de voir dix fois la même chose ? Pour l’apprendre par cœur alors que l’information, suffisamment rabâchée, sera enterrée ?   .

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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 14:04

            Matière noire, puis matière sombre car à examiner le noir de plus près, il devient sombre, matière sombre chaude ou matière sombre froide, théories et calculs postulaient l’existence de cette matière et voici que, lentement il est vrai mais sûrement, elle commence à montrer le bout du nez. C’est de la prévision scientifique, sans rapport avec tant d’autres, plus ou moins farfelues, même pas celles des cartomanciennes, des horoscopes et autres plaisanteries qui peuvent être de mauvais goût, mais par exemple les bulletins météo prévoyant le temps qu’il fera dix jours à l’avance dans telle ville ou sur telle plage.            

 

            Une prévision ne signifie que la chose prévue se fera, mais qu’elle en a la probabilité, plus ou moins grande, ce qui permet aux farfelus de ne jamais se déjuger, de dire que « c’est la faute à pas de chance » si la prévision état heureuse, et « c’est une chance » quand elle ne l’était pas, et les naïfs de repartir satisfaits. Et aux scientifiques de chercher une explication, ce qui n’est pas la même réaction.             

 

            Une explication qui peut se faire attendre, qui peut même entrer en contradiction avec la théorie en cours et amener à modifier certaines hypothèses, voire à se lancer dans une théorie nouvelle, qui englobe la précédente, laquelle ne devient alors qu’un cas particulier de la nouvelle. Mais ne croyez quand même pas que le ralliement des scientifiques se fasse massivement, on a beau être un scientifique, on est avant tout un être humain, avec toutes les qualités, mais aussi les défauts que cela suppose.             

 

            Qualités ou défauts, difficile d’en juger parfois, car la progression ne se fait-elle pas grâce aux oppositions qu’elle rencontre ? Certes les oppositions stériles, hors sujet, ne font que retarder, et parfois, annuler les choses, mais il en est de constructives qui, surmontées, font triompher de nouvelles idées. L’alternance d’échecs et de succès permet souvent, à partir d’une idée de base, émise sans que son auteur ne puisse expliquer la provenance, de construire peu à peu toute une théorie qui « tient la route » ou au contraire ne résiste pas, mais permet d’éviter à l’avenir de se lancer dans cette voie.

 

            Encore qu’il arrive qu’à exhumer une idée abandonnée, alors que les circonstances ont changé, on la trouverait miraculeuse, si les miracles existaient en sciences. Comment donc, avec les moyens dont il disposait, un tel a-t-il pu avoir une pareille idée ? Comme si les idées devaient se conformer à un certain calendrier, arriver à l’heure où on les attend. Mais au fait, les idées de bases, pas les constructions savantes qui les intègrent, ont-elles une existence limitée en un temps donné, ou échappent-elles à toute contrainte temporelle ?

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25 mars 2009 3 25 /03 /mars /2009 08:13

            Epicure, c’est juste après Alexandre le Grand, « la dissolution des cités, l’avènement de grands empires, privant l’individu de ses cadres traditionnels et de son activité politique, le laissant désemparé. L’homme demande à la philosophie des principes de conduite, et un idéal de bonheur, c’est-à-dire un « bien » suprême, dont la conquête puisse être un noble emploi, pour une énergie morale abandonnée à elle-même. ».

            Ces phrases de Pierre Ducassé (PUF), écrites et publiées pendant la seconde guerre mondiale, ne s’appliqueraient-elles pas à notre époque sans guère y changer un iota ?  Pas à tous peut-être, car beaucoup ont déjà renoncé à l’espérance de trouver un quelconque bonheur, mais au moins à ceux qui en ont encore la ferme volonté d’y accéder et d’en entraîner d’autres à leur suite. 

            Ajoutons, pour ceux qui auraient besoin d’éclairer leur lanterne en ces périodes sombres, cette définition actuelle de Larousse : Le jardin d’Epicure, image par laquelle on représente traditionnellement l’école épicurienne comme un lieu de débauche sensuelle, où se mêlent les plaisirs de la table et ceux de la chair, est en fait une école de calme, où règnent frugalité et travail, sérénité et maîtrise de soi, au milieu des tempêtes d’une société décadente ». On s’y croirait.      

 

            Où s’arrêtera,  non la recherche du plaisir - à le rechercher au moins on en estimerait la valeur, on en éviterait certains pour en renouveler d’autres - mais ce conditionnement permanent  auquel nous sommes soumis et auquel bien peu sont capables de résister, car le propre même du conditionnement est de faire croire à une liberté de choix, laquelle ne peut se concevoir qu’en toute sérénité. On parlait déjà jadis d’un matraquage publicitaire alors qu’on en était au « Du bon, du bon, Dubonnet » du métro parisien, et quelques autres « Monsavon » à la radio, qu’en est-il aujourd’hui ?

 

            Ce bonheur, qu’on nous promet à chaque achat de produit, ou à chaque participation de masse, n’est il pas temps, plus que temps, de le rechercher en nous ?  « Le bonheur dépend des idées qu’on s’en fait », pensons-y en notre for intérieur, en toute maîtrise de soi, nous ne le trouverons pas, emballé et pesé, moyennant contre partie pécuniaire, avec cette obsession de toujours gagner plus pour dépenser plus. « Le plus heureux est celui qui écoute à la fois ses sensations et sa raison : ce n’est pas celui qui cumule, mais qui calcule et se contente de peu. »

 

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21 mars 2009 6 21 /03 /mars /2009 11:08

            Simple question : puis-je affirmer que je suis un menteur ? Si je mens, je ne suis pas un menteur. Si je ne mens pas, je suis un menteur ! Mais alors, serait ce paradoxal d’avouer de mentir ? En fait, on ne peut qu’affirmer avoir menti ou déclarer qu’on mentira. Faut-il supprimer la première personne du présent de l’indicatif du verbe mentir ? J’ai menti, je mentirai, mais jamais je mens.   

            Discourir sur les paradoxes sans se remémorer ceux de Zénon d’Elée, est-ce raisonnable ? Comme celui d’Achille et la tortue.  Achille, le héros de la guerre de Troie, un solide gaillard en vérité qui devait en battre plus d’un à la course, la tortue qui se balade tranquillement avec sa maison sur le dos, le décor est planté. La tortue est partie la première à la recherche de quelque salade, Achille se propose de la rattraper, les jeux sont faits, ça ne saurait tarder…sauf que pour Zénon, il ne la rattrapera jamais, vu qu’il court par étapes, car il repère l’endroit où se trouve la tortue et va jusque là, pendant ce temps la tortue a avancé…et ainsi de suite, indéfiniment…

            Comme le magicien qui parvient à nous offrir un spectacle extraordinaire, en ayant pris soin de nous embarquer dans un décor à sa convenance. Pendant ce temps, Achille et la tortue se sont métamorphosés en points sans dimension, points chers aux mathématiciens, ce qui permet de transformer l’essai. Tout peut résumer en trois points fixes sur une feuille de papier, Achille, la tortue, le point de la rencontre (qui ne se produira jamais). Fixes tous les trois, seulement un changement d’échelle à chaque étape. Et ça marche dans l’autre sens, en remontant dans le temps, comme pour la flèche et la cible, si Achille rattrape effectivement la tortue, il n’est jamais parti pour la rattraper. 

            Ils sont certainement nombreux, ceux qui pensent que les paradoxes, ceux tout au moins qui ont traversé les siècles, sont de savantes constructions tarabiscotées qu’édifient des êtres intelligents certes, mais à l’esprit tortueux, pour tenter de nuire à l’engouement que pourrait susciter certains messages que chacun peut comprendre ou, à défaut, admettre ou  rejeter, suivant l’humeur du moment ou la réaction d’autrui, sans se poser soi-même de questions. Mais où en serions-nous si les paradoxes n’existaient pas, si nous comprenions tout, de suite ? 

 

               Car enfin, à ne jamais s’interroger sur des situations qui nous semblent à priori paradoxales, contraires au sens commun, que nous qualifions facilement, rapportées à nos préjugés, d’absurdes, d’inadmissibles, d’invraisemblables, faute d’en connaître « les tenants et les aboutissants », à quoi serions-nous réduits ? Ne dites pas à l’état de bêtes, car il en est qui doivent s’en poser. Mais nous progressons en cherchant à les résoudre, ceux que nous nous posons d’abord, ceux que les autres nous posent ensuite.

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17 mars 2009 2 17 /03 /mars /2009 13:54

            Une pensée est un mouvement et nous ne pouvons en capter que des instantanés, comme ces photos que l‘on prend pour immortaliser un événement. A nous, et à ceux à qui nous nous adressons, par la parole ou par l’écrit, de transformer cette prise de vue statique et unique en une vidéo étalée dans le temps autant que faire se peut, mais de toute façon limitée. Et chacun donc d’imaginer comme il lui convient ce qui se passait avant et ce qui se passera après, de reconstituer un tout satisfaisant, non pas unique et sans ambiguïté, qui serait l’expression de la pensée, mais une des réponses possibles, parmi  d’autres, beaucoup d’autres toutes aussi vraisemblables.

 

            Y compris en soi-même, comme on peut le constater lorsque, pensant  à quelque chose qui nous apparaît important et à peine distrait par un quoi que ce soit d’anodin, on est incapable de retrouver le fil, et même à le retrouver, de le poursuivre dans la direction précédemment engagée. Ce qui amène alors cette question : nos pensées nous appartiennent-elles, en sommes-nous les créateurs, ou seulement les découvreurs, parfois bien maladroits à les conserver ?

 

            Et dans ce cas, il ne serait pas étonnant que nous soyons d’une part incapables de les retenir, et d’autre part que nous puissions être plusieurs à penser la même chose en même temps, ce qui nous surprend souvent, pas de la transmission de pensée, mais un captage simultané .de la même pensée, d’une pensée n’appartenant ni à l’un ni à l’autre. Et, les pensées ne nous appartenant pas, de ne prétendre, si elles sont originales, n’avoir des droits de propriété que sur la forme de leur expression, non sur le fond. 

 

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12 mars 2009 4 12 /03 /mars /2009 09:30

            Quelle est la somme des angles d’un  triangle ? Réponse unique et sans ambiguïté : 180 ° ? Réponse à la fois vraie et fausse. Vraie en géométrie d’Euclide, fausse avec celles de Riemann (supérieure) et de Lobatchevski (inférieure), deux chances sur trois de se tromper ! Et encore, celle d’Euclide n’est valable que dans un seul cas, très particulier, unique, le plan, alors que les deux autres couvrent tous les autres cas, innombrables.

            La mathématique s’établit sur ce qu’on peut parfaitement appeler des préjugés, qui jamais ne sont signalés, ce qui permet de ne pas en douter. Quand une nouvelle théorie scientifique  met les précédentes en défaut, qui donc deviennent fausses dans leur généralité, on dit alors qu’elles ne sont qu’un cas particulier de la nouvelle théorie plus générale. Sommes-nous si éloignés des problèmes qualifiés de philosophiques ?

            N’est ce pas le même cerveau humain, qui raisonne, peut-être pas les mêmes neurones, quelle importance ! Disons que les préjugés ne sont pas les mêmes, les scientifiques prétendent s’imposer par leur universalité, les philosophiques inciter à une réflexion plus libérée. Quant aux Terminales qui commencent les cours de philosophie, parviendront-ils à philosopher en toute liberté, on peut leur souhaiter. 

 

           Si on ne peut dissocier la philosophie de celle qu’on fait, la seule façon de la comprendre, c’est d’en faire, combien de terminales sortiront de cette année en ayant compris quelque chose à la philosophie ? Ils avaient pour la plupart choisi de s’orienter ainsi parce que les autres voies leur semblaient plus rébarbatives, ils la quitteront ayant acquis de nouvelles connaissances, mais philosopheront-ils pour autant ? Comme d’autres qui suivent la voie des sciences exactes (si l’on peut encore s’autoriser à les dénommer ainsi), leur but sera d’obtenir la moyenne, et peut-on leur jeter la pierre ?

            Sauf certains évidemment, quelque peu philosophes avant de venir, qui y trouveront les connaissances qui leur manquaient, mais ceux-là ne récolteront peut-être pas les meilleures notes. Il est permis de se demander si pour philosopher, il n’est pas utile de suivre d’abord une formation scientifique, car il est plus aisé ensuite d’aller de la science à la philosophie que de la philosophie à la science. En distinguant, suivant l’actuelle habitude, ces deux activités de l’esprit, ce qui fut loin d’être toujours le cas. On peut citer beaucoup de cas de savants philosophant, peu ou pas de philosophes se lançant dans les sciences « exactes ». .

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9 mars 2009 1 09 /03 /mars /2009 16:11

            A avoir vu un match de rugby international à la télé, les rugbymen étaient-ils des joueurs, au même titre que le sont les enfants lorsqu’on leur laisse la liberté de « taper » le ballon,  le jeu avait-il mauvaise presse, était-il gratuit ?  Le jeu est un terme bien ambigu, entre des enfants qui  jouent  à la guerre et des adultes qui jouent à la faire, il peut couvrir toute la gamme, du plus léger au plus grave, et le jugement qu’on peut en avoir, en tant qu’observateurs, peut être sans rapport avec l’opinion qu’en ont ceux qui y participent.

 

            Serait-il plausible d’établir une échelle de gravité dans laquelle on situerait les événements dont on a connaissance, comme celle de Richter pour les tremblements de terre, de façon à avoir, tous en chœur,  une réaction socialement correcte ? De plaisanter sur les plus banals, de se lamenter sur les plus dramatiques, suivant la présentation qu’on nous en ferait ? Du plus léger au plus grave, alors que chacun choisit un degré d’intérêt qui lui est propre, plus préoccupé par une migraine le concernant que par un   tsunami en Asie du sud-est. .

 

             A réagir « au quart de tour » à la moindre information, parfois disparue, ou pire démentie le lendemain, on ne rend service ni aux autres, ni à soi-même. Jadis, ces informations circulaient  à une vitesse convenant à la réflexion qui les relativisait. Quand il fallait huit jours pour aller de Paris à Marseille, les réactions étaient plus mesurées qu’aujourd’hui, où nous vivons en temps réel tous les événements quelle que soit leur distance. A nous de nous adapter. Plus que jamais,  l’important, c’est de jouer, c’est-à-dire de parvenir à la légèreté. 

 

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7 mars 2009 6 07 /03 /mars /2009 15:33

         A propos de: Absurde   (Hervé Basin, Abécédaire)

 

 

            Le vertige de l’inconnaissable ne torturait pas le singe…et ne torture pas davantage l’enfant qui découvre chaque jour  tant de choses, bien davantage certes que l’éminent savant ou le spécialiste pointu. Et l’immense majorité des hommes, une fois acquises des connaissances de base, ne succombent pas au vertige de l’inconnaissable, sauf éventuellement aux inquiétudes que présente globalement l’inconnu quel qu’il soit lorsqu’il pointe le bout du nez.  Mais est ce alors un vertige, la peur du vide, alors que c’est celle de trouver au contraire une chose qui ne conviendrait pas, une présence néfaste qui déséquilibrerait une situation  durement acquise ?

 

            L’homme égaré entre deux infinis, l’infiniment grand et l’infiniment petit, c’est une réflexion pascalienne, pas celle du commun des mortels. L’inconnu effraie, non pas son absence, mais par sa présence éventuelle. Un monde fini, limité à ce que l’on connaît est un monde convenable, le monde du passé qui se prolonge dans le présent et qui serait celui de l’avenir, pourquoi pas ? Des milliers de générations ont ainsi vécues, à l’abri de leurs traditions. Pourquoi les dernières se sont-elles écartées  d’une évolution certes, mais à l’échelle humaine, lentement assimilée, au point d’être atteintes, dans certains de leurs membres, du vertige de l’inconnaissable ? 

 

            Parce que, alors que dans le passé, une nouvelle découverte paraissait extraordinaire, et prenait le temps d’être assimilée avant de se voir supplantée par la suivante, le rythme s’est accéléré, l’homme ne suit plus, à peine prend-il connaissance d’une nouveauté qui lui semble raisonnablement ne pas pouvoir être surpassé  qu’une autre  prend sa place, et c’est alors qu’il en est à dire que cela n’arrêtera peut-être plus et il attrape le vertige de l’inconnaissable, celui de toujours être à la traîne, d’être le chien qui court après sa queue. Mais l’animal est raisonnable, il mesure l’impossible et passe à autre chose. L’homme, lui, l’est beaucoup moins et, à ne pas trouver de solution, pérennise le problème bien au delà du raisonnable.  

 

               Parce qu’on lui a fait miroiter des choses et qu’il s’était mis à les croire, qu’il était le centre, le but, la mesure de l’univers, qu’il avait créé des dieux qui le lui rendait bien, alors qu’il n’était qu’un être parmi d’autres, privilégié peut-être en certains points par l’évolution, à multiplier les espèces, il en fallait bien une qui surpassât les autres. C’était la sienne. Est ce si absurde que cela ?   

 

                Mais si certains imaginent l’homme perdu dans l’immensité d’un univers infini, de quoi  provoquer le vertige, il en est d’autres, beaucoup  d’autres qui imaginent  un monde  fini, limité, parfois parfaitement localisé, l’environnement qu’ils connaissent, qui écrase l’homme qui n’est rien. A la merci des circonstances qu’il ne contrôle pas, en butte à toutes les vicissitudes, surtout celles de la part des autres hommes, ses semblables pourtant, mais devant lesquels il sent petit, infiniment petit. Ce n’est plus l’infiniment grand qui écrase l’être fini qu’il devrait être, mais le monde pourtant fini qui écrase ce qu’il estime être, un infiniment petit. Plus une pensée de philosophes, mais une réaction de l’« l’homme de la rue » face aux autorités diverses qui le submergent.

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4 mars 2009 3 04 /03 /mars /2009 11:37

           Le feu, les animaux ne le connaissent pas tous, les poissons certes, mais aussi beaucoup d’autres espèces terrestres plus proches de nous, ce feu dont l’idée la plus ancienne que l’on peut se faire est celle de la savane, embrasée, tandis que les animaux fuient de tous côtés, proies et prédateurs confondus. Tous les animaux ont peur des flammes, ils peuvent aimer l’eau, le vent, le chaud, le froid, mais le feu qui détruit tout, jamais. Parce que le feu arrive toujours quand on ne l’attend pas, et que faire alors sinon fuir. Et pourtant, il est une espèce, la nôtre, qui, en s’enfuyant comme les autres lorsqu’il survenait, se mit à imaginer qu’elle pouvait peut-être tenter de le conserver lorsqu’il cessait, notamment pour faire fuir les fauves qui la harcelaient, puis un jour, de le créer. L’évolution de l’espèce pouvait se singulariser. Elle avait quelque chose de plus que toutes les autres, la maîtrise du feu.    

 

            Quel est l’enfant qui, un jour ou l’autre, ne rêve de craquer une allumette, d’allumer une bougie, comme pour assister à la naissance d’un autre monde ? Le garçon sans doute plus que la fille, mais tous deux de s’extasier devant le feu qui prend naissance, à l’image de leurs lointains ancêtres, où créer une flamme ne pouvait qu’être l’œuvre d’un magicien. Et cette fascination explique encore aujourd’hui celle qu’on éprouve devant l’âtre, au point d’en avoir imaginé de factices. Les feux d’artifice ont ceci de merveilleux que l’on voit naître des gerbes d’étincelles, mourir puis renaître sans risque de propagation. Mais, entre être maître du feu, faire  œuvre de création, et  le voir maître du lieu, œuvre de destruction, il existe un seuil d’évolution que l’être humain ne franchit pas…à l’exception des pyromanes.

 

             Certes, de ces incendies, l’homme n’est pas toujours innocent, par maladresse, par imprudence, par inadvertance, chacun peut se retrouver un jour responsable d’un départ de feu, même d’un feu important, faute par peur sans doute de contacter au plus vite les secours s’il ne s’en sorte pas seul,  ou parce que le feu peut couver longtemps sans être détecté, avant la première flamme. Mais comment peut-on, sciemment, avec préméditation, en choisissant soigneusement les circonstances les plus favorables à la propagation,  déclencher un feu, parfois même en étant pompier pour le macabre plaisir de l’éteindre, parfois aussi d’en être spectateur captivé, ou encore de s’éloigner pour imaginer plus librement l’apothéose, jouer au Néron des temps modernes ? 

 

            Mettre le feu à la forêt pour y édifier autre chose, on peut en comprendre la motivation, c’est en somme vouloir contrôler la situation, « faire la part du feu » et cela s’est fait et se fait encore, mais pour la satisfaction de détruire, de détruire le plus possible, quelle déchéance ! La voir telle qu’elle est, pleine de vie, telle qu’elle était donc dans le passé, depuis toujours pourrait-on dire à l’échelle humaine, et vouloir en faire à l’avenir (tant il faut de temps, à la même échelle, pour renaître) un tapis de cendres, être l’auteur d’un soudain changement dans l’ordre naturel, afin d’affirmer sa puissance, méconnue sans doute par ailleurs, est-ce cela qui guide la main du  pyromane ? Au mépris du danger, pour soi-même et pour les autres. Mais, peut-être que, hélas, si le danger n’existait pas, notamment de se faire prendre, la pyromanie se répandrait-elle aussi vite que les flammes ? L’évolution a encore du chemin à parcourir.  

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2 mars 2009 1 02 /03 /mars /2009 14:44

             De Luc Ferry, alors qu’il était ministre de l’Education nationale, dans sa Lettre à tous ceux qui aiment l’école « Depuis sa création jusqu’à la rupture introduite par les contestations des années 1960, l’école républicaine a fonctionné sur une certaine « vision morale du monde ». Elle reposait sur l’idée qu’il existait des valeurs communes, des normes collectives, incarnées notamment par les programmes, qui dépassaient les individus, et que chacun devait s’efforcer de réaliser dans sa vie comme à l’école. Voilà du reste pourquoi l’enfant s’appelait un « élève », c’est-à-dire quelqu’un qui était invité à se hisser jusqu’à la réalisation d’idéaux supérieurs. En d’autres termes, le but de l’éducation était clairement de faire en sorte qu’au terme du processus, chacun d’entre nous devienne « autre » que ce qu’il était au départ. »  

 

          C’était assez bien vu, l’école permettait de réunir des enfants aux disparités énormes, de leur faire acquérir des connaissances communes, afin que les garçons se sentent les fils de la patrie, les filles capables d’assumer leur futur rôle d’épouse et de mère. Ecoles mixtes ? Pas question d’y penser !  Cela n’empêchait pas les disparités, mais au moins, assurait un socle commun à l’ensemble de la jeunesse, bien difficile déjà à acquérir pour certains (savoir lire, écrire et compter, quelle galère !), base de départ seulement pour d’autres. Mais pour tous, à apprendre beaucoup de choses, les mêmes, il en restait toujours à pouvoir se partager.. Face aux étrangers, aux inconnus, nos compatriotes se reconnaissaient et faisaient bloc. Allons, enfants de la patrie…

 

            De Luc Ferry, encore : « On doit cependant constater que les années 1960 ont vu apparaître et se développer une autre conception de l’éducation. Il ne s’agit plus alors tant de faire en sorte que l’élève devienne autre qu’il est, que de viser, selon la formule célèbre, à ce qu’il devienne ce qu’il est, en épanouissant pleinement sa personnalité » 

 

            On passe brutalement, l’espace d’une génération, ce n’est rien dans l’évolution des mentalités,  de la conception d’individus au service d’une communauté à celle d’une société au service de ses membres, un virage à 180 degrés qui ne peut se faire sans tempêtes. Avec davantage d’individus, ayant chacun des prétentions croissantes à l’individualité que résume Luc Ferry par « …l’expression de soi plutôt le souci des héritages acquis, l’esprit critique plutôt que le respect des autorités, la spontanéité plus que la réceptivité, l’innovation plutôt que la tradition, e t c…»

 

            Dans l’ancienne conception, apprendre, c’était avoir une mémoire collective, retenir ce qui permettait de s’intégrer dans son environnement, dans sa région, dans son pays. Pour nous, Français, être fiers de l’être. Dans la conception actuelle, apprendre, qui que l’on soit, c’est « retenir ce qui permet un usage libre et personnel de nos forces ». On suppose toujours que ce qui est en marche ne s’arrêtera plus, et  pourtant on peut se poser la question : pourquoi pas un retour du balancier, dans la constante recherche d’un équilibre satisfaisant ?    
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