La découverte récente, c’est bien une découverte et pas une
invention mise à la mode par les médias, que le monde est fini s’est peu à peu infiltré dans tous les cerveaux.
Fini le temps
où l’on pouvait raisonner par rapport à l’infini, respecter les règles classiques de l’addition, et donc aussi de la soustraction, Ce qui l’on apportait ajoutait une valeur en soi, ce que l’on
retranchait aussi, mais tout cela ne comptait pas dans un monde infini. Curieux d’ailleurs qu’on ait conservé si longtemps cette notion de l’infini, que ce que l’on pouvait faire ou ne pas faire
importait pour soi évidemment, mais « n’empêchait pas la terre de tourner », avait donc une importance toute relative, que l’on pouvait chiffrer pour peu qu’on s’en donnait la
peine.
D’où provient
d’ailleurs cette merveilleuse création humaine, la relation de causalité. Une création à laquelle on s’est tant habitué depuis des millénaires qu’elle nous est peut-être innée aujourd’hui. Innée
ou acquise, elle constitue le fondement même de tous nos raisonnements, nous amenant à agir comme à s’en priver. Si je fais ceci, il se passera cela, si je ne fais pas cela, je sais ce qui
arrivera.
Il arrive
évidemment, éventuellement fréquemment, qu’à faire ceci, il n’arrive pas cela et qu’à ne pas faire cela ce qui était prévu n’arrive pas, mais alors,
ce n’est pas la relation de causalité en elle-même que l’on met en doute, mais celle que l’on a imaginée qui n’était pas la bonne, c’est-à-dire qu’il aurait été nécessaire d’imaginer quelque
chose de plus pointu, ou de différent, une autre relation de causalité, mais une relation qui en soit toujours une, une relation de causalité qui nous était cachée. .
Une relation
cachée, on fait alors appel et confiance à un spécialiste qui, lui, a pu par formation et expérience adéquates, se forger d’autres relations de
causalité que les nôtres, et donc résoudre des difficultés qui nous paraissent insurmontables. Qui devraient toujours pouvoir être surmontées, car si le spécialiste est défaillant, c’est qu’il
n’est pas parfait, qu’il en connaît davantage que nous, mais qu’il ne connaît pas non plus la relation parfaite. D’où d’ailleurs ce sentiment que la perfection n’existe pas, sauf, sinon à la
trouver, du moins à l’imaginer chez des, ou un être supérieur, maîtrisant la causalité.
Un être
« supérieur » ne faisant pas n’importe quoi, parce que non limité en puissance mais, au contraire pourrait-on dire, sachant toujours ce qu’il faut faire et étant alors toujours en
puissance de le faire. Un être donc parfaitement raisonnable, adaptant parfaitement les actions qu’il doit entreprendre pour obtenir les effets qu’il désire. Le « miracle » apporté
alors à la résolution d’une situation qui apparaissait insoluble (ou désespérée dans un cas humain) consiste en fait à trouver une relation de causalité, à appliquer un remède, dont l’ « être inférieur » n’avait pas connaissance.
On trouve
dans la Genèse : « L’homme est devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre de l’arbre de vie, d’en manger et
de vivre éternellement ».On peut évidemment se contenter de limiter ces paroles à des considérations purement morales, mais ne faut-il pas plutôt les étendre à la connaissance du bien, ce
qu’il faut faire pour arriver au but que l’on se fixe, et du mal, ce qu’on ne faut pas faire, ce qui ferait échouer. Finalement, trouver la relation de causalité qui convient.
Est bien ce qui
réussit, va dans le sens que l’on désire, « le bon sens » ; est mal ce qui y oppose, « le mauvais sens » ; ce peut
être donc très peu moral, mais n’est-ce pas à la fois plus logique…et répondant à la plupart des préoccupations actuelles ? Ce qui relativise aussi ces notions puisque ce qui est bien pour
l’un peut être, est même assez souvent mauvais pour l’autre, alors que vu sous l’angle réduit de la morale, on peut convenir plus universellement du bien et du mal et aboutir à une morale
universelle, pour l’espèce humaine bien entendu, et pas pour les autres espèces vivantes ou non. La considération morale du bien et du mal répond donc à un raisonnement humain, les êtres humains
se considérant alors comme « le centre du monde » autour duquel le reste, et quel reste, doit tourner à leur satisfaction.
Il peut-être
bien par exemple pour un sportif de réaliser une grande performance, mais quelle que soit le niveau de cette performance, elle sera, non pas évaluée par rapport à l’individu lui-même, et à ses
possibilités. Ce n’est pas le problème des autres compétiteurs, ni du public, et pour l’individu lui-même, il peut être amené, alors qu’il s’est surpassé (allant du bien au mieux), à considérer
ce résultat comme mauvais, puisque par exemple inférieur à ce qu’il en espérait.
Car nous
sommes, et de plus en plus, sans prévoir un renversement prochain de tendances, dans la compétition à outrance. A choisir un créneau dans lequel il ne suffit pas d’être bon - faut-il d’ailleurs
être bon ? – mais dans lequel on peut espérer être le meilleur, de préférence à un autre qui nous conviendrait beaucoup mieux, mais dans lequel on ne risque pas d’être parmi
l’élite. Ne plus être soi donc, mais celui que les autres veulent que vous soyez, vous ou un autre évidemment, car ce n’est pas à vous que vont leurs
pensées, mais à un modèle avec lequel alors ils pourront s’identifier, une idole ! . .
L’important, entend-on parfois, est de participer, mais c’est une phrase que l’on
sort aux battus, en guise de consolation, souvent avec une pointe de commisération, alors qu’on serait incapable, et de loin, d’en faire autant. Quelle satisfaction ne retire-t-on pas à se poser,
tel l’empereur romain aux jeux du cirque, en juge décidant des lauriers, de la pitié ou de l’opprobre ? De quel droit ?
S’identifier
à son idole, sortir de son anonymat, non parce que les autres reconnaîtront votre personnalité, mais parce que, alors, vous vous incorporez, vous fusionnez avec d’autres, beaucoup d’autres, qui
resteraient pour vos des inconnus à tout jamais s’il n’y avait cette idole qui sert de lien. Et dans ce jeu-là vous trouvez votre compte…et la vedette aussi (et surtout), que demander de
plus ? Comme chacun est satisfait, pourquoi voulez-vous que ça change ?