A convenir qu’il va de soi que l’estime de soi s’accompagne de l’estime des autres, l’absence de l’une ou de l’autre crée un manque …et permet de considérer que modestie et fatuité sont deux vilains défauts qui empêchent l’être humain d’être ce qu’il faudrait qu’il soit, pour lui comme pour les autres. La modestie ne serait que sous estime de soi et surestime des autres et la fatuité surestime de soi et sous estime des autres. Deux situations également condamnables qui nuisent à l’évolution de notre société vers toujours plus de liberté, d’égalité et de fraternité
Mais comment pourrait-on, individuellement, car à ne pas commencer par soi-même on ne risque pas de changer les choses, n’être jamais modeste et ne jamais faire montre de fatuité ? S’isoler, vivre en ermite, n’est pas la solution, puisqu’alors on succombe à l’une ou à l’autre. Reste à veiller à rester dans une situation moyenne et à corriger au mieux les écarts dans un sens ou dans l’autre. Ni trop, ni pas assez, de beaux numéros d’équilibriste en perspective ! Avec un bon entraînement, est-ce impossible ?
Mais pourquoi se montrer trop modeste ou trop infatué de soi-même ? Si c’est constamment, en tous temps et en tous lieux, c’est sans doute pour compenser le complexe opposé. La fatuité, un moyen pour un grand timide qui ne se sent pas sûr de lui d’échapper à la déprime, la modestie, la manière d’un être qui se sent sûr de lui, de sa valeur, de ne pas heurter les autres et ne pas être rejeté (il n’est pas bon qu’une tête dépasse de la file…) et de pouvoir ainsi manier autrui. Fausse fatuité, fausse modestie pour ceux qui les exercent, mais c’est souvent naturellement, sans même en avoir conscience.
Si cette modestie ou cette fatuité ne se manifestent qu’occasionnellement, alternativement, en fonction des circonstances qui se présentent, ou c’est le signe d’un caractère lunatique, on ne sait jamais comment on va le trouver, ou alors celui d’un être équilibré, bien dans sa tête et dans sa peau, qui corrige sa conduite en fonction de celle de ses interlocuteurs, par capacité développée d’adaptation au milieu, une caractéristique qu’on souhaiterait universellement partagée. N’est-ce pas reconnaître l’autre que de se mettre à sa portée, en équilibrant dans l’échange modestie et fatuité. ?
Estime de soi, estime des autres, mais qui sont les autres ? Ceux qui nous sont les plus proches, que nous croyons connaître suffisamment pour établir avec eux des relations de confiance (peut-on estimer sans avoir confiance?), et l’estime dans ce cas naît peu à peu, à condition qu’aucun accroc ne vienne enrayer cette progression, ou à priori tous ceux que nous côtoyons, puisque ce sont nos semblables, que nous n’avons aucune raison de les mal juger sans les connaître ?
Passer de l’estime de l’autre nous-mêmes, celui que nous observons de l’extérieur comme si c’était un autre, progressivement à l’estime de nos voisins, puis des inconnus jusqu’à embrasser toute l’espèce, et pourquoi pas, aller au delà, ou au contraire, estimer les autres, tous les autres, tout ce qui vit, les inconnus, les voisins puis les plus proches et étendre cette estime jusqu’à nous estimer nous-mêmes ? Dans quel sens opérons-nous ? Faut-il avoir l’estime de soi d’abord pour pouvoir estimer les autres, ou faut-il estimer les autres pour aboutir à s’estimer soi-même ?