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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 10:00

            Mais pourquoi donc me précipiterais-je de librairie en librairie pour tenter de me procurer la dernière édition de tel journal ou revue et quel air fureteur devrais-je prendre pour qu'un libraire inconnu me le sorte de dessous son comptoir? Me sentirais-je libre de me cloner ainsi sur la tendance du jour? Pourquoi devrais-je m'associer à ce mouvement de défense de liberté de la presse, alors que je suis personnellement plutôt convaincu qu'il y a là-dessous plus simplement une belle occasion de vendre quelques centaines de milliers de journaux ou de revues supplémentaires?

            La presse est la mieux placée pour défendre elle-même sa liberté en un temps où elle a pris un pouvoir considérable sur des lecteurs sans autres repères que ceux qu'elle leur donne, plutôt l'ensemble des médias que la presse seule, mais est-ce au lecteur-auditeur de s'immiscer dans les rapports entre la presse écrite, qui se dit souffrir, et l'image, la télévision, Internet et autres supports modernes?

            Le plus grand service que pourrait rendre le grand public aux médias serait de les replacer dans leur rôle de dispensateur d'informations, de ne pas suivre ceux qui vont trop loin ou pas assez, de les juger pour leur qualité et leur souci d'exactitude, et non d'en faire les maîtres à penser, si tant est que l'on puisse encore avoir des pensées personnelles lorsqu'on se noie dans un flot d'informations toutes présentées comme ce qui est ou a été et qui ne sont en fait que des interprétations orchestrées.

            Souvenons-nous du démarrage de l'affaire d'Outreau où les médias ont, en moins de temps qu'il n'aurait peut-être fallu pour creuser un peu avant de fantasmer sur un réseau de pédophilie à ramification internationale. Ont donc au moins manqué de mesure avant se lancer dans d'aventureux développements à la une, dont le caractère de vérité ne devait alors échapper à un aucun lecteur. Tout comme aujourd'hui, avec autant de certitude, le scandale ne peut être dû qu'à un dysfonctionnement de la justice, mais comment donc a-t-on pu croire à cette invraisemblable histoire d'un réseau pédophile, auquel auraient pu participer tant de braves gens?

            Alors l'affaire, car tout est monté en affaire et ici on peut dire que c'en est vraiment une, celle des caricatures dont on n'ajoute même plus que ce sont celles de Mahomet, au point qu'on peut se demander si d'autres caricaturistes aient jamais existé, point n'est question de discuter de leur qualité, et pourtant qu'est-ce donc qu'une caricature de qualité?

            Une caricature dont celui qui en est l'objet, même s'il la trouve exagérée (car c'est une caricature !), même s'il s'en offusque publiquement, c'est son droit et parfois son devoir, ne peut s'empêcher d'en apprécier l'esprit et l'amène, ainsi que ceux qui en prennent connaissance, à s'interroger sur des aspects insoupçonnés.

            Un exemple connu: celle de Jean-Paul II, lorsque, venant de décéder, se présente là-haut et n'y trouvant personne, s'autorise un timide: « Heu, y a quelqu'un? ». Une horreur pour un intégriste chrétien - comment peut-on faire douter un pape, et un tel pape, de l'existence de l'au-delà ? - mais finalement, quelle aurait été la réaction de Jean-Paul II lui-même devant une telle caricature? Sans doute celle de se dire que ce petit dessin avait le mérite de poser le problème et d'interroger les consciences beaucoup mieux que ne le faisaient les théologiens depuis la nuit des temps. Donc une bonne caricature.

 

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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 08:26

           Merci le progrès, mais qu'est-ce donc que ce progrès dont on nous parle sans cesse, et dont on ne voit jamais la fin. Or, depuis le temps que le terme est à la mode, que de nombreux chevaliers blancs s'en font les hérauts, et pas seulement en période préélectorale, on ne devrait pouvoir faire le point de temps à autre sur les avancements. Seulement voilà, oh stupeur, une définition de dictionnaire qui peut nous faire réfléchir: avancement, accroissement par degrés, en bien ou en mal.

            En bien ou en mal, ce ne doit pas être l'avis de ceux, les plus nombreux, qui voient dans le progrès l'amélioration, c'est-à-dire l'avancement en bien, de leur situation. Et non pas le changement en lui- même, qui peut être, ramené à l'individu, favorable ou défavorable, car ce qui est bien pour l'un peut-être mauvais pour l'autre.

            Il y a quelques décennies, quand on se présentait à la poste pour avoir des timbres, l'employé sortait un gros dossier où était rangés les timbres par ordre de valeur. Il combinait ces valeurs entre elles pour arriver au juste prix. Et il vous donnait le nombre que vous désiriez. Tout a bien changé depuis, c'est donc qu'il y a eu progrès. En bien ou en mal?

           C'est à voir, en bien sans doute dans la plupart des cas, en mal parfois dès qu'un dysfonctionnement apparaît, dysfonctionnement qui croissent en, fonction de la complexité des machines, et qui nous rendent d'autant plus nerveux qu'on ne peut reporter sa déconvenue sur qui que ce soit. Ce qui apparaît essentiellement, c'est notre incapacité, toujours grandissante, à ne pas savoir réagir aux imprévus de l'existence.

            Comme si la maîtrise de ce qui nous concerne pourtant personnellement nous échappait. Nous nous sommes donnés des outils performants, nous nous sommes déchargés sur eux totalement et, quand ils tombent en panne, c'est nous qui sommes perdus, alors que peu de temps auparavant nous nous en passions sans rencontrer le moindre problème. Sous cet aspect, le progrès s'afficherait plutôt en mal.

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 14:48

            Le procureur est le magistrat chargé du ministère public, l'avocat, l'auxiliaire de la justice dont la mission est de renseigner et de conseiller son client, en l'assistant en justice et en le représentant. Evidemment il y a des avocats de la défense et ceux qui assistent la partie civile, mais l'image de l'avocat est généralement celle du défenseur de celui qui a commis un délit, ou tout au moins, bien que présumé innocent, en est accusé.

 

            Pour celui qui n'a rien à se reprocher, ni à reprocher à qui que ce soit, le procureur doit donc avoir une meilleure image que l'avocat, puisqu'il est là pour prévenir les dérives et les condamner si elles arrivent, pour le bien du plus grand nombre, celui de la société toute entière. Pour celui qui a des choses à se reprocher, ses préférences doivent aller aux avocats, à moins que le manque de compétence de certains de ceux-ci ne lui inspire pas confiance évidemment.

 

            La justice ne peut se concevoir que dans un certain équilibre entre l'accusation et la défense. Certes il est des crimes qui nous interrogent sur la nécessité de défendre leurs auteurs. Mais, à supposer qu'un seuil puisse exister entre les crimes qui pourraient être défendus et ceux qui ne pourraient pas l'être, c'est la notion même de justice qui disparaîtrait. Il est interdit de se faire justice soi-même, car comment espérer un quelconque équilibre entre l'accusation et la défense dans une telle conception.

 

            Mais si le procureur a communément moins la faveur d'un quidam que l'avocat, c'est que ce quidam précisément peut, demain, avoir affaire à la justice pour un délit le concernant. Car on peut se retrouver en justice sans pour autant avoir nui à ses semblables et mérité l'opprobre, d'innombrables prévenus pourraient en témoigner, mieux vaut alors se choisir un bon avocat, quelque soit le procureur.

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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 09:03

            Qu’un professeur soit arrogant vis-à-vis de ses élèves, ou au moins de certains d’entre eux, ce n’est pas nouveau, il peut se sentir, dans le présent d’un cours, supérieur à ceux à qui précisément il se doit de diffuser son savoir, qui demain peut-être le surpasseront, mais qui donc pour l’instant ne peuvent utiliser le privilège de la connaissance.

 

            On sait le prestige que l’homme retire encore souvent de sa supériorité sur l’animal, pour certains professeurs, les élèves, mal dégrossis, en ont encore certaines caractéristiques. Un  cancre n’est-il pas un âne ? Et il faut être soi-même bien équilibré pour ne pas être tenté de se croire supérieur à autrui, notamment si celui-ci est plus ignorant que soi sur le sujet débattu, ce qui est, espérons-le, le cas dans une classe.   

 

            Ce qui est relativement nouveau, c’est que l’élève soit arrogant vis-à-vis de ses professeurs. S’il les traitaient encore sur un pied d’égalité, comme ses copains, on pourrait penser qu’il ne fait pas la distinction, que cela part d’un bon naturel, comme ces jeunes enfants qui tutoient tout le monde, qu’il faut juste de temps à autre remettre les pendules à l’heure. Mais ce n’est pas le cas, c’est de l’arrogance, comme s’il avait affaire à des êtres méprisables, à qui il faut en imposer pour se faire respecter.

 

            Certes, certains enseignants ont parfois des attitudes enfantines, comme dans ces défilés à l’occasion de jours de grève, qui incitent le jeune à se mesurer. Certes, les élèves ne sont pas les derniers à se rendre compte que tel nouveau professeur n’a pas l’autorité nécessaire, que tel autre aspire à la retraite en, se demandant ce qu’il fait encore dans une classe.

 

            Cette attitude à l’égard de leurs aînés ne se limite au corps enseignant, mais à toutes les générations qui le sont précédées, comme si, au lieu d’attendre l’adolescence pour commencer à oser s’exprimer, ils avaient perdu le respect à l’égard des parents aussi, comme si c’était un obstacle à leur épanouissement, même si pour beaucoup, faute de repères, s’épanouir pleinement, c’est avant tout ne rien faire d’imposer, de faire ce qui leur plaît.   

 

            Alors l’arrogance est d’abord verbale, et, s’il le faut, on en vient, face à ceux qu’on ne respecte pas, à des violences physiques. Certes, ces dernières sont plus impressionnantes que les injures et autres, mais ne relèvent-elles pas, de la part du jeune, du même raisonnement : un seuil est alors franchi, pensent les adultes, mais est-ce le cas de l’élève qui se laisse aller à de tels actes ?

 

            La plupart du temps, pour ne pas faire d’histoires, pour ne pas envenimer un climat précaire, pour avancer dans son programme, le professeur fit semblant de ne rien voir, mais l’élève en faute, sait très bien que l’enseignant l’a vu et laisse faire, parfois il se calme, mais le plus souvent il en profite pour en remettre, et c’est l’explosion. . 

 

            Quelque soit notre âge, on a tous en mémoire des professeurs incapables, qui se faisaient copieusement chahutés, mais on en restait au chahut, parce qu’on nous rappelait à l’ordre, mais aussi parce que les autres professeurs savaient se faire respecter, qu’on s’était donné une petite détente et que cela suffisait. Mais, aujourd’hui, n’y a –t-il pas une bonne partie des élèves qui doutent de la capacité des enseignants…à leur assurer, à l’issue de leurs études, un débouché dans la vie ? Pas toujours certes un emploi dont ils rêvent, mais se sentent-ils aptes seulement à affronter leur existence d’adultes ?

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 08:31

            « Quand j’allais travailler, je partais en brousse, mais si, il y a 30 ans, j’avais l’âme « missionnaire », aujourd’hui je cherche à survivre dans la jungle »…mais comment donc peut-on pourrait-il en être autrement ? Trente ans à exercer la même activité dans les mêmes lieux, comment pourrait-on conserver l’âme missionnaire, les pieds légers de celui qui part à la conquête d’un monde qu’il veut faire évoluer dans le sens de l’idéal qui l’anime alors qu’on s’est arrêté au premier relais sans jamais plus en déloger? Comment s’étonner alors que les pieds soient devenus trop lourds, faute de mobilité, et qu’on cherche tout au plus à survivre dans un monde dont on a laissé fuir une à une toutes les perspectives intéressantes ?

 

            Les difficultés économiques que nous traversons ont mis maintes fois l’accent sur le désarroi dans lequel se retrouvent les licenciés économiques d’entreprises dans lesquelles ils sont entrées trente ans et plus auparavant et où ils espéraient finir leur carrière professionnelle. C’est ceux-là dont on étale d’ailleurs  le plus la perte de repères, oubliant même parfois ceux qui avaient moins d’ancienneté.

 

            L’ancienneté, cette marque de fidélité que recherchaient les entreprises en un temps où il n’était pas facile de retenir les meilleurs éléments, l’ancienneté aujourd’hui ne protège plus guère qui que ce soit et, retour des choses, rend quasiment impossible les changements d’orientation, tant l’habitude est une seconde nature. Habitude qui fait que l’on continue à célébrer les décennies d’ancienneté alors que l’accent devrait être mis sur la mobilité.

 

            Une mobilité génératrice de dynamisme, permettant de conserver « une âme missionnaire » dans l’occupation d’un nouvel emploi au lieu de traîner « les pieds lourds », une fois épuisé, au bout de quelques années, le désir de changer les choses et activé celui seulement de durer. De n’attendre que la retraite, et si possible l’abaissement d’un âge limite d’activité. 

 

            En des temps meilleurs, il faudra penser à davantage de mobilité, mais, malgré la leçon, même alors il y en aura toujours pour ne songer qu’à occuper le même emploi toute la vie durant, comme si les entreprises devraient être immortelles et leurs salariés tous médaillés.  Que « l’entrée dans l’arène » soit celle du combattant et non celle de la victime.

 

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 09:20

            Oui c’est cela le progrès dans une société de consommation : consommer de plus en plus. Pour cela, divers moyens dont celui de diminuer la durée de vie des appareils qu’on vous vend, ainsi vous consommez davantage. Evidemment, vous pouvez tenter de réparer le matériel lorsqu’il a un problème de fonctionnement, mais le bricoleur de jadis est le plus souvent dépassé, ses talents mécaniques ne peuvent plus s’exercer.

 

            Alors les concessionnaires de produits ont créé des services après-vente, qui ne fonctionnent que grâce à la garantie d’un ou deux ans, cinq parfois moyennant contrat complémentaire. Car, hors garantie, le SAV (service après-vente, jamais avant-vente pour mettre en garde le futur acheteur)  est hors de prix, mieux vaut s’acheter du neuf que de réparer de l’ancien pour tout ce qui est le courant, les innombrables appareils ménagers notamment.

 

            Evidemment la qualité s’en ressent, mais la définition même de la qualité a changé. Avant c’était de durer de façon satisfaisante, aujourd’hui c’est de fonctionner de façon satisfaisante certes, mais sans que cela aille au delà d’une période de garantie. Et les vendeurs de jouer l’extase quand on leur parle d’un engin que leur courte expérience ne leur a même pas permis de connaître. 

 

            Mais pourquoi donc faudrait-il qu’un appareil dépasse la durée de sa garantie ? Comment des conservateurs impénitents peuvent-ils continuer à utiliser un produit périmé ? Certes, il n’est pas alimentaire et ne risque pas d’entraîner des troubles gastriques ou autres, ce réfrigérateur par exemple, mais il est hors garantie, il devrait donc être changé, au moins actuellement dans le cadre de la lutte contre le chômage, mais plus généralement dans la notion de progrès qui devrait habiter tout consommateur citoyen. Progresser, c’est consommer !

 

            Un jour peut-être, pas si lointain, le jour de la fin de garantie s’accompagnera de la mise hors service de l’appareil, ce serait si facile techniquement que certains y ont sans doute déjà pensé. Un an, deux ans, cinq ans de bons et loyaux services et puis plus rien…et personne n’y trouverait à redire. Quitte pour les engins qui marchent à piles à les récupérer si elles ont tendance à ne plus s’user.

 

            Pas une économie de « bouts de chandelle » car, dans pas mal de cas c’est la pile qui coûte, seule, davantage que l’appareil qu’elle équipe pourtant. Pensez aux montres qui s’offraient dans les grandes occasions et qui aujourd’hui se balancent une fois la pile usée. Car elles s’usent quand même les piles, quoiqu’en prétendent leurs constructeurs. Il faut en vendre ! 

 

            Usé ou démodé ? Plutôt que de laisser aller les choses jusqu’à leur mise hors service, une bonne méthode est employée par la société de consommation à outrance, celle de démoder, par une publicité envahissante, tout produit par celui qui est destiné à le remplacer. Culpabiliser le consommateur qui est satisfait de ce qu’il vient d’acheter, alors qu’un autre produit plus récent trône sur toutes les gondoles des grandes surfaces.

 

            Voyez ce qui se passe avec les lessives, depuis que la dernière née lave plus blanc que la précédente, on se demande quelle peut-être la définition de la blancheur. Et ainsi de toute nouvelle production qui prétend faite table rase de toutes celles qui l’ont précédée  et apporter enfin la solution à un problème qui se posait depuis toujours.

 

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26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 11:10

              « Quand on lit la même chose que tout le monde, on ne peut que penser comme tout le monde » (Haruki Murakmi) 

 

              Pas seulement quand on lit la même chose, en notre époque médiatisée, mais aussi quand on écoute les mêmes choses et que l’on regarde les mêmes images, on risque effectivement  de penser comme tout le monde. Tant qu’il n’y avait que la lecture, à moins d’en être un maniaque, on ne lit pas à longueur de journée. Certes, si l’on n’a qu’une seule source d’information, on peut s’y conformer, ne pas en chercher d’autre et s’en contenter, mais aussi s’y conformer ou s’y opposer.

 

            Croire tout ce qu’on y lit, douter de tout, ou trier, en croire certaines et pas d’autres. A condition de ne pas attribuer à ses lectures un critère de vérité, comme celui d’un texte sacré, on sait où cela mène, dans le meilleur des cas à une intolérance à l’égard de ceux qui n’ont pas le même lecture du même texte ou qui se réfèrent à un autre livre.

 

            Car le livre et les intentions de l’auteur est une chose, ce qu’en tirent les lecteurs en est une autre. Le danger de penser comme tout le monde au sujet d’une oeuvre donnée, c’est de passer par des intermédiaires, qui ne donnent à un texte que l’interprétation qui leur convient et tentent d’imposer leur opinion à ce sujet, au lieu de laisser le lecteur libre de penser ce qu’il veut. 

 

            Et si les lecteurs sont libres de leurs interprétations, celles-ci peuvent être nombreuses et très différentes, notamment de la pensée de l’auteur. Mais qu’est-ce donc qui importe ? Tenter de retrouver la pensée de l’auteur ou considérer que, le livre une fois publié, n’appartient plus à son auteur et que c’est à chacun d’en tirer ce qu’il en veut ? Les opinions sont partagées à ce sujet. Pensons à ceux qui passent leur existence à étudier un auteur, qui en deviennent des inconditionnels, qui ne jurent que par lui, qui  pensent comme lui, jusqu’à perdre leur personnalité.          

 

            La personnalité, cela doit bien manquer aujourd’hui à ceux qui s’abandonnent à la débauche d’informations de toutes sortes, passant de l’une à l’autre sans jamais avoir le temps de la moindre réflexion personnelle, du moindre recul par rapport aux événements. 

 

            Mais comment donc se fait ce recul par rapport à un événement qui se déroule et qui attire l’attention au point de ne pas penser à autre chose, certes, ce qui n’empêche pas de se contenter de réceptionner les informations mais de leur donner une interprétation personnelle, de passer au-dessus de certains aspects et d’en approfondir d’autres.

 

            Prenons l’exemple d’un accident de circulation, il est courant que chacun des témoins a sa version personnelle, parce que précisément tel ou tel point retient spécialement son attention, ce qui ne l’empêche pas d’assister à l’ensemble de la scène. 

 

             Un témoin peut par exemple détailler une scène avec force de détails alors qu’elle n’a duré qu’in instant. C’est donc que cet instant correspond à une durée appréciable pour le témoin. Son temps s’est dilaté,  une seconde par exemple en temps universel lui a semblé durer dix minutes. Non pas d’ailleurs lui a semblé duré dix minutes car il ne peut chiffrer le temps passé. Ce n’est qu’après y avoir réfléchi qu’il estime une certaine durée, en relation avec celle que met habituellement une telle action à se réaliser dans la vie courante.

 

            On observe aussi cela dans les rêves, vous pouvez ne dormir que quelques minutes – votre réveil en témoigne - et sortir d’un rêve qui correspond à des heures de déroulement d’une action, comme des marches interminables en des endroits inconnus.

 

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25 mars 2011 5 25 /03 /mars /2011 05:24

          « Pensez qu’on ne sait pas le nom du premier cochon qui a trouvé une truffe ! » (Les Goncourt)

 

            Le premier ? Mais comment peut-on, pourrait-on définir le premier, celui avant qui rien ne s’est passé, celui après qui tout ce qui s’est passé ne serait que répétition ? Comme si, un beau jour, un cochon, par hasard, affamé et ne trouvant pas de quoi satisfaire ce besoin élémentaire et légitime, en creusant le sol avec son groin avait déterré une belle truffe qu’il avait dévorée avec délectation, en imaginant le plaisir qu’auraient plus tard des hommes à en déguster de semblables.

 

            Si encore, les Goncourt s’étaient interrogés sur le premier homme qui, voyant un cochon manger une truffe, avait pensé à la goûter et à la trouver à son goût, ils auraient à la recherche d’un inventeur ou d’un découvreur ? Découvreur, semble-t-il, puisque avant lui le cochon en mangeait, il n’a inventé ni la truffe ni le cochon, il n’a fait que découvrir l’intérêt du cochon pour la truffe et, ayant faim lui aussi sans doute, s’est juste dit « pourquoi n’en goûterais-je pas ? ». Finalement, ni découvreur, ni inventeur.

 

            Revenons au cochon : pas inventeur, puisqu’on refuse aux animaux – et les cochons ne sont pas les mieux considérés parmi les espèces animales – une intelligence réfléchie, et que l’invention semble l’exiger. Découvreur peut-être, mais on a peine à imaginer que cela se soit fait subitement, grâce à la cogitation d’un cochon, puisqu’il ne cogiterait pas.

 

            Qu’est-ce découvrir ? C’est trouver quelque chose qui existe, indépendamment d’être observée, jusqu’à ce qu’on en fasse précisément la découverte. Mais découvre-t-on quelque chose d’absolument nouveau, d’original sans références avec ce que l’on connaît déjà ? Qu’a dû éprouver le premier cochon qui a trouvé une truffe ? Que c’était mangeable, pas que c’était une truffe.

 

            La truffe, c’est ce « champignon ascomycète noir, entièrement souterrain, vivant en symbiose avec les racines des chênes, dits truffiers ». Il n’est pas nécessaire d’en connaître la définition pour se mettre à la recherche de truffes, et pourtant peu de mots sont inutiles, car il faut savoir que c’est un champignon, qu’il est noir, entièrement souterrain, et qu’il se trouve aux pieds d’un certain type de chênes pour se risquer à en découvrir, ou à en faire découvrir par un cochon, ou un chien, lesquels n’ont pas besoin de l’homme pour cela. Il en découvre, mais n’en sait rien, n’en saurait rien à en croire ceux qui estiment que seul l’homme sait qu’il sait.             

           

            A ne pas savoir que l’on sait, peut-on prétendre savoir quelque chose ? Savoir, avoir conscience de. Mais savoir que l’on sait, n’est pas une formule abrégée. Avoir conscience que l’on a conscience. Est-ce que cela ne répond pas çà un dédoublement de notre personnalité. Je prends conscience de l’existence d’un moi comme si il était hors de moi et que je puis examiner à loisir. Mais comment est-ce possible de vivre simultanément ces deux existences, toutes aussi présentes l’une que l’autre ?

 

            Simultanément, qui se fait, qui se passe en même temps. On peut comprendre facilement que si quelqu’un fait quelque chose, quelqu’un d’autre peut faire autre chose en même temps. Le temps s’écoule, et entre deux instants de cet écoulement, pendant un certain laps de temps, d’innombrables choses se passent. Dans un certain espace.

 

            Mais entre ce qui se fait et ce qui se pense, ce que je suis en train de faire et les pensées qui m’assaillent, celles notamment qui ne concernent pas le suivi de l’action, comment cela peut-il se conjuguer ? Eplucher des légumes sans se couper alors qu’on pense à toute autre chose qu’à ce que l’on est en  train de faire, comment cela est-il possible ? Le temps de l’action et celui de la réflexion semblent pourtant occuper le même espace de temps, un  intervalle qu’une horloge peut déterminer soigneusement. 

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24 mars 2011 4 24 /03 /mars /2011 11:44

            Belle image que celle de ce puzzle déformable, pas au point évidemment d’ingurgiter n’importe quel élément nouveau, mais de se l’assimiler par une double action, celle de l’ensemble qui tolère le corps étranger, sans le rejeter à priori, mais aussi celle de l’élément nouveau qui ne refuse pas l’accommodation  en fonction de la place que l’ensemble lui concède. On comprend dès lors que cet « ajustage forcé », reproduit à l’infini ou presque, créent des images du monde, les ensembles, uniques et individuelles. Dès que l’on que l’on quitte le domaine des abstractions pures, celui des mathématiques.

 

            On comprend aussi pourquoi les mathématiques déplaisent à ceux qui n’ont pas d’élasticité dans  leur puzzle d’ensemble, comment pourraient-ils accepter la présence d’éléments aussi rigides que le sont les éléments mathématiques. C’est comme cela et pas autrement, ou alors ils n’ont pas un ensemble qui est  construit pour les accepter, et intégreront d’autres éléments que les maths parce qu’ils remplissent les cases qui leur ont été assignés, ou, tout en étant un ensemble rigide, les maths les enchanteront parce que les éléments et les cases correspondent.  

 

            Contrairement à ce qu’imaginent les esprits qui se qualifient eux-mêmes de « logiques », ce n’est pas parce que la science se préoccupe davantage du raisonnement que de l’insight qu’enseigner, faire rentrer des éléments nouveaux dans la tête des élèves soit plus aisé dans le domaine scientifique que dans d’autres domaines,. On peut rester réfractaire à la table de multiplication et se mettre à chanter dans une langue étrangère sans pourtant n’en connaître le moindre mot.

 

             C’est que chaque être est différent, a sa propre histoire du monde qui n’est pas celle de son voisin, pas même celui de son frère jumeau. Mais alors comment parvenons-nous à nous entendre sur un certain nombre de points ? En fait l’accord de façade laisse la possibilité à chacun sa propre interprétation, d’en faire un sujet important de réflexion ou le négliger complètement. L’abondance des informations et son flot ininterrompu peuvent laisser croire que, nourris à la même source, nous sommes pratiquement des clones les uns des autres ?

 

            C’est se faire une image simplifiée à l’extrême de notre espèce. Ce serait évidemment le rêve, dans une société de consommation effrénée, de tous ceux qui ont quelque chose à vendre, sans que ce quelque chose présente une originalité quelconque, tant les produits concurrents sont nombreux et similaires. Aussi poursuivent-ils ce rêve avec une opiniâtreté qu’on aimerait retrouver ailleurs. Là, nous ne sommes plus dans le domaine de la logique, mais du commerce.    

 

            Mais nous n’avons pas toujours connu cette débauche actuelle, qui ne remonte qu’à quelques décennies, une durée absolument négligeable dans l’histoire de notre l’humanité  et qui ne prend pour nous du relief que parce qu’elle est récente. Penchons-nous plutôt sur un domaine qui semble préoccuper les êtres humains depuis beaucoup plus longtemps : les mythologies d’antan, qui se sont souvent muées en religions.  

 

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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 09:25

            Le but de toute théorie scientifique est peut-être de favoriser l’insight de ceux auxquels elle s’adresse, mais aujourd’hui celui qui se trouve à la pointe de la recherche en un domaine donné (les autres sont considérés comme quantité négligeable) communique finalement avec très peu de personnes. Que de thèses, qui pourtant devraient passionner les scientifiques, un condensé d’années de travail d’un collègue, rejoignent  dans d’immenses placards les précédentes, toutes aussi peu lues.

 

            De temps à autre, un vulgarisateur, animé le plus souvent de bonnes intentions, en dépoussière une et la présente à un plus large public, après l’avoir bien souvent vidée de ce qui en faisait l’originalité, l’insight que n’avait pas manqué de ressentir l’auteur s’étant envolé dans le transfert Et c’est ainsi que le grand public, celui qui fait marcher le commerce, retient une ou deux phrases, rarement les plus intéressantes ou les plus caractéristiques, d’un être qui a voué toute une vie pour une idée.  

 

            De là à ne pas pouvoir faire entrer quoi que ce soit dans l’insight de chaque lecteur, il n’y  a qu’un pas. Il n’est pas rare de retrouver un auteur abandonné depuis des décennies, et de l’apprécier alors parce que les circonstances ont changé. Soient celles de la présentation, soient celles du lecteur lui-même. Le texte de l’auteur s’intègre dans l’insight du lecteur. Mais que nous écrit le dictionnaire (Larousse) au sujet de l’insight ? :

 

               Insight (Larousse). Psychologie animale, mot anglais signifiant pénétration. Au cours d’un apprentissage, diminution du nombre d’erreurs commises par l’animal dans la tâche qui lui est proposée. Les gestaltistes comme Köhler pensaient que cette diminution était brusque et qu’elle supposait une compréhension de la situation entière (insight) : des expériences répétées, comme le déplacement de rats dans un labyrinthe, ont montré que les conduites valables de l’animal ne sont que partiellement anticipées et sont sans référence  à une vue d’ensemble de l’épreuve proposée.

 

            Insight uniquement pour les animaux…on estime peut-être que l’être humain seul comprend tout de suite, prend immédiatement la mesure d’un ensemble et n’a pas besoin d’être testé, comme des rats dans un labyrinthe. Et pourtant, à voir comment les hommes se débrouillent pour s’échapper d’un labyrinthe, on peut douter d’un seuil entre l’homme et l’animal, infranchissable pour ce dernier, à moins que ce ne soit les hommes qui descendent de leur piédestal pour faire aussi mal ou pire que l’animal.

 

            Il en est qui peuvent recommencer cent fois la même chose (c‘est pour cela qu’ils ne s’en sortent pas parfois) et ne pas améliorer leur chance de résoudre un problème dans son ensemble. L’insight donc serait cette faculté qui permet d’emblée une compréhension globale, au lieu de passer d’une  étape à l’autre, comme dans la recherche scientifique. Et lorsque change un élément de l’ensemble, la reconstitution d’un ensemble cohérent se fait rapidement, il n’est pas nécessaire de tout détricoter.

 

            Mais  qu’est-ce qu’un ensemble cohérent, quelles sont ses limites, où commence-t-il, où finit-il ? A t-il seulement commencement ou fin, ne rend-il pas compte de la personne toute entière, qui, en équilibre de cohérence avant la prise en compte de l’élément nouveau, l’intègre quasi instantanément ? Et les animaux, certains tout au moins, ne font-ils pas de même ?

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