Enoncer une idée vague, mais qui déclenche de fortes réactions parce qu‘elle flatte
des tendances dans l’air du temps…flatter des tendances dans l’air du temps, est-ce cela faire du populisme ? L’air du temps, dans le passé, c’était plutôt des idées émises par un cercle
restreint d’individus qui parvenaient, par leur opiniâtreté défendre et à promouvoir des idées a priori originales, à diffuser ces idées suffisamment
pour que peu à peu, décalées dans le temps qu’elles étaient à leur émission, elles perdaient leur étrangeté et flottaient ainsi dans l’air du temps, tolérées sans pourtant être adoptées, sauf si,
les mentalités ayant changé, elles devenaient au goût du jour.
Côté
émission, ce qui a changé, c’est la facilité et la rapidité de la diffusion. On peut depuis quelques décennies diffuser des idées sur toute la Terre, et même « en temps réel », surtout
depuis la mise en place du réseau Internet. Ce qui était jadis très confiné, au point de l’idée émise était le plus souvent dépassée dans son lieu d’émission avant de parvenir, passablement
déformée, à l’autre bout de la chaîne, peut donc être interprété, discuté, mis en pratique, avant que l’environnement immédiat de l’émetteur ne songe
à réagir.
On connaît ce
jeu de « Jacques a dit » qui consiste à mettre en cercle les participants, de communiquer un message à l’un d’entre eux, qui le murmure à l’oreille se son voisin, et ainsi de suite, avec un retour à l’envoyeur sans rapport avec l’initial, malgré la bonne
volonté supposée du groupe à ne transmettre que ce qui a été entendu, sans l’interpréter. Ce qui est une utopie, puisque à l’audition comme à l’émission, décodage et codage ne peuvent être
évités.
A une époque
où les idées ne circulaient qu’à une vitesse très limitée, avant l’invention du téléphone par exemple, on s’interrogeait sur la transmission à distance par télépathie, définie comme un
« phénomène de communication directe entre deux esprits dont l’éloignement réciproque interdit toute communication par le moyen des sensations usuelles » selon Larousse
ou « sentiment de communication à distance par la pensée : communication réelle extra-sensorielle » selon Robert.
Adversaires ou partisans de la télépathie ne se préoccupaient pas – et ne se préoccupent
toujours pas – à faire entrer en ligne de compte la vitesse de la lumière, l’important n’étant pas de discuter si la « transmission de pensée » se faisait de manière instantanée, à
vitesse infinie ou à 300 000 km/s ou en deçà. Ne serait-ce que l’on peut pas isoler
la durée de la transmission due à la distance des durées nécessaires à l’émission et à la réception.
Il s’agit
d’une pensée, de quelque chose de construit, qui se doit d’être codée au départ et décodée, comprise et interprétée à l’arrivée, pas d’une transmission par ondes magnétiques classique dont on a
pu depuis longtemps calculer la vitesse constante c. On reste là dans une relation classique de cause à effet : une émission de pensée à un moment donné et une réception postérieure à
l’émission. On ne parle évidemment de télépathie que lorsque l’on peut avoir dans l’ordre : émission > transmission >réception. Si la réception constatée venait avant l’émission, c’est
qu’il y aurait changement de rôles entre l’émetteur et le récepteur. Car la télépathie peut-être évidemment biunivoque.
On parle déjà
de télépathie quand il s’agit d’une simple idée. Quand par exemple deux personnes proches l’une de l’autre (physiquement, mais pas pour autant mentalement) ont au même instant la même idée, même
si celle-ci est apparemment sans relation avec l’environnement qui leur est commun. Le fait est extrêmement courant et chacun d’entre nous l’a certainement éprouvé, à moins d’être toujours replié
sur lui-même au point de ne jamais percevoir de messages extérieurs échangeables.
Brutalement
l’autre vous parle d’une chose qui n’a aucun motif à être abordé à ce moment-là et vous éprouvez l’impression qu’il exprime votre pensée que rien pourtant ne la laissait deviner. Généralement
après une phase de silence, ce qui rend l’échange encore plus inattendu. Il arrive même, et ce n’est pas exceptionnel, que les deux partenaires sortent la même phrase au même instant, ce qui
dénote alors une communauté de la pensée jusque dans le mode d’expression.
On peut supposer qu’il s’agit alors d’une réminiscence d’un fait commun, que tous deux ont
vécu dans ders conditions semblables, même à des moments différents et chacun de leur côté, mais que cette réminiscence soit alors simultanée a quand même de quoi surprendre. Simple
coïncidence ? Admissible si cela ne se produisait qu’une fois, même exceptionnellement, mais c’est relativement souvent le cas. Il s’agirait plutôt d’un échange entre deux personnes
totalement en phase à cet instant précis, même si cela ne dure pas.
Il n’y a plus
un émetteur et un récepteur différenciés l’un de l’autre, ni même alternativement l’un et l’autre, mais confusion des deux dans chacun des partenaires, ou plutôt, car parler de confusion
compliquerait la situation, que l’idée trouve deux partenaires en phase avec elle. A généraliser, une idée se trouve dans l’air…d’un temps propice à sa réception.
Il n’y a pas
à la chercher, à déterminer où et quand elle se trouve, à la positionner dans l’espace et le temps tels que nous les concevons, mais c’est alors qu’à l’image des ondes électromagnétiques, nous
rejoignons la mécanique quantique, nous la voyons s’émettre et être reçue, mais entre l’émission et la réception, pour nous mystère ? Elle est à la fois partout et nulle part dans l’espace,
nulle part et partout dans le temps, dans le passé, le présent et/ou ou le futur que nous nous définissons.
Mais alors, pourquoi des idées nouvelles, originales voient-elles le jour, sans jamais
avoir été imaginées, formulées auparavant ? Dès qu’on parle de formulation, et auparavant de formulation, nous sommes dans notre univers fait d’espace et de temps. Ce n’est plus d’idée,
d’élément de base dont nous parlons, mais d’une construction que nous avons assemblée, et c’est cet assemblage qui apparaît comme nouveau, comme une création jamais réalisée
auparavant.
Dès que
l’assemblage se complexifie, que le nombre d ‘éléments de bas s’accroît, la probabilité d’obtenir deux ensembles identiques diminue rapidement.
Il en va de même dans le domaine des idées. D’où la nouveauté de certaines, mais à les décortiquer, à les décomposer en leurs éléments de base, on trouve l’originalité dans l’assemblage, dans
l’application en des circonstances qui ne sont plus les mêmes.
A relire
certains auteurs passés, à remonter les siècles pour se plonger dans la pensée d’auteurs grecs d’il y a deux millénaires et demi pas exemple, un bel exemple il est vrai, y a –t-il beaucoup
d’idées nouvelles émises depuis ces temps reculés ? Encore que vingt-cinq siècles, c’est moins d’une centaine de générations, avec un cerveau qui n’a pas dû changer beaucoup.
Nous avons certes acquis beaucoup de connaissances, mais de là à nous croire plus évolués que ces gens d’alors, ce serait
faire preuve de vanité. Et pas très réconfortant, car au rythme accéléré du développement des informations en tous genres de notre époque, que serions-nous aujourd’hui par rapport aux êtres que
nous serons demain ? Et qu’étions-nous, il y a quelques décennies, par rapport à ce que nous sommes devenus ? Des minables ?